François Fillon

Le sillon Fillon

Aura-t-on un candidat qui peut réconcilier les chrétiens et la République ?
David Victoroff

Pour le chrétien que je suis, il faut admettre que François Fillon est une heureuse surprise. Un homme politique qui remporte 44% des suffrages au premier tour de la primaire de la droite face à six autres candidats et qui se dit chrétien, cela faisait bien longtemps que l’on avait vu cela. Il faut sans doute remonter à Valérie Giscard d’Estaing pour trouver un candidat à la présidence qui se revendiquait chrétien. Les temps ont bien changé : depuis, Giscard d’Estaing lui-même en légalisant l’avortement, puis la gauche sont passés par là, modifiant profondément les mentalités et le contexte culturel de notre pays. Et quand Jacques Chirac est entré à l’Elysée, c’est son épouse Bernadette qui affirmait sa foi tandis que le président cachait la sienne derrière la laïcité.
Ce qui pouvait encore passer pour conformiste au début des années soixante-dix, est devenu franchement original aujourd’hui. Les pharisiens ont changé de camp. Le laïcisme militant est devenu la doctrine officielle, les droits ont pris la place des devoirs et le consumérisme a submergé le spirituel. Des médias tout acquis à l’hédonisme ambiant diffusent un prêt à penser contre lequel il ne fait pas bon s’opposer : on risque tous simplement d’être condamné à la mort sociale par une lapidation verbale qui n’a guère à envier par sa violence à la lapidation réelle des islamistes.
Ce risque, apparemment, ne fait pas peur à François Fillon qui ose revendiquer sa foi face à l’aréopage des bien-pensants sans pour autant en faire un étendard pour la croisade. Ce sont ses convictions et il les assume devant les journalistes lanceurs de pierres, sans prétendre les imposer à quiconque. Il en tire simplement les conséquences : pour lui, l’avortement n’est pas « un droit fondamental », même s’il est entré dans les mœurs. « Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l'avortement » a-t-il dit à la télévision sans se départir de son calme ni pour autant condamner ceux qui y ont recours. Il sait distinguer entre ses convictions personnelles et ce qu’il considère comme d’intérêt général, ne pas rouvrir le débat. Tenir ferme sur ses positions sans insulter ceux qui ne les partagent pas, une telle pondération force le respect.
De sa foi il tire quelques principes politiques : la nécessité de revenir en partie sur la loi Tobira en matière d’adoption et, en politique étrangère, tout faire pour sauver ce qui reste des Chrétiens d’Orient. Ce qui impose de se rapprocher de Vladimir Poutine.
Cela n’a pas manqué : François Fillon s’est fait traité par son adversaire au second tour d’« extrêmement traditionnaliste » et accusé de vouloir revenir sur l’avortement, d’être d’extrême droite, réactionnaire et ultra libéral et d’être la cinquième colonne de Moscou. Puisqu’il veut réformer, c’est un conservateur tandis que ceux qui ne veulent rien changer se considèrent comme progressistes. Pour s’opposer à François Fillon, Alain Jupé se déclare plus proche du discours du Pape François que de la manif pour tous. Curieux … Le Saint Père est-il favorable au mariage pour tous et à la gestation pour autrui ? Et ne croit-il pas en Dieu ? Juppé, lui, se dit, dans Valeurs Actuelles, « catholique agnostique » ! Allez comprendre…
François Fillon dit tracer son sillon. Une référence au Sillon, ce mouvement fondé par Marc Sangnier qui visait à rapprocher les catholiques et la République à l’origine de la démocratie chrétienne ? Ce serait plutôt de bon augure.