Dix mille dollars de la part des réfugiés d’Erbil

Ils vivent de grandes difficultés, mais ils ont fait une collecte pour les victimes du séisme italien. « C’est la conscience d’avoir été aidés ». Le nonce Ortega raconte ce qu’il est en train d’apprendre de la part des chrétiens iraquiens.
Luca Fiore

Des réfugiés iraquiens ayant fuit l’État Islamique qui recueille des fonds pour les victimes italiennes ? Oui, c’est arrivé en octobre pendant deux dimanches de suite dans le diocèse d’Erbil, dans le Kurdistan iraquien. Pendant l’été 2014, presque 125 mille chrétiens ont abandonné Mossoul, Qaraqosh et d’autres villages du Nord de l’Irak. Depuis beaucoup ne travaillent plus et d’autres s’arrangent. Ces derniers mois ils ont pris conscience de l’aide arrivée d’Italie et lorsqu’ils ont vu sur leurs écrans de télévision les ruines d’Amatrice, quelque chose a bougé en eux. Le total des dons qui arriveront à Caritas Italie est de dix mille dollars. « Ils ont été très généreux », commente monseigneur Alberto Ortega Martin, nonce apostolique en Jordanie et Irak : « Beaucoup parmi eux ont encore besoin de tout. Mais je pense qu’a prévalu le “plaisir“ de pouvoir aider ».

Que s’est-il passé à Erbil ?
C’est une initiative promue par le “Comité de la miséricorde“, comme il l’appelle, du diocèse d’Erbil. Les nouvelles provenant du séisme en Italie ont beaucoup frappé et a émergé, surtout chez les chrétiens, la conscience d’avoir été aidés pendant ces deux dernières années. Et puis, au cours des derniers mois, plusieurs délégations, et même italiennes, sont venues et ainsi la relation avec votre pays est devenue plus concrète. De là est ensuite venu le désir d’aider ceux qui maintenant étaient dans le besoin. Je pense que c’est un geste très beau. Et étant données leurs situations économiques, on est frappé par la somme récoltée.

Beaucoup sont des réfugiés, comment font-ils pour gagner leur vie ?
Certains font des petits boulots, d’autres n’ont rien. L’Église paie le loyer de beaucoup, et on distribue nourriture et autres aides. Mais tous ne sont pas des réfugiés à Erbil et quelques-uns ont des capacités économiques. Qui a peu aura donné une modeste contribution, mais ils auront été contents de s’être unis à ce geste. J’ai parlé avec l’archevêque Bashar Warda et il tenait beaucoup à la dimension éducative de ce geste.

Quel est le sentiment à Erbil vis-à-vis de ce qui se passe en ce moment à Mossoul ?
D’un côté il y a la joie et la satisfaction de voir que leurs villages sont libérés, et je pense surtout à Qaraqosh. On a pu célébré la messe dans l’église locale même brûlée. Pour le moment, les gens ne peuvent pas rentrer car la zone n’a pas été sécurisée. De l’autre côté, il y a la tristesse et la désillusion en voyant comment ces villages ont été abimés. Beaucoup sont allés là-bas et ont vu que tout a été détruit : maisons et églises. Il n’y avait vraiment aucune nécessité de faire autant de destructions.

Rentreront-ils ?
Pour le moment, il faut voir comment va évoluer la situation, mais je pense que beaucoup voudront retourner dans leur village. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut encourager. Mais il faudra que l’état iraquien, la communauté international et l’Église aident à la reconstruction.

Qu’est-ce qui vous frappe chez ces gens ?
Ce qui me frappe est comment ils prient. Pendant le carême, j’ai participé à un chemin de croix dans un des camps de réfugiés et ce fut réellement émouvant : voir tant de personnes : vieux, jeunes, enfants qui priaient en portant la croix… Et avec quel sérieux… J’ai dit à cette occasion : aujourd’hui nous célébrons le chemin de croix mais rappelons-nous que le dernier mot est la victoire de la Résurrection du Christ. Espérons qu’ils puissent continuer à expérimenter cette victoire du Christ.

Qu’avez-vous appris pour vous-même depuis que vous êtes Nonce ?
En voyant ces chrétiens on apprend la valeur de la foi. On comprend mieux ce que signifie affirmer le Christ comme la chose la plus précieuse. Tant de personnes ont tout perdu et ils ne renoncent pas à la foi. Et il n’y a pas de lamentations entre eux. Il y a la douleur, la souffrance, mais pas de lamentations. Je suis frappé par leur mentalité plus unitaire que notre Europe. Ils vivent la religiosité et la foi comme on la vivait en Espagne ou en Italie il y a des années, avec une mentalité très religieuse, même parmi les jeunes pour lesquels la foi est un élément qui donne forme à la vie. C’est un sens religieux plus éveillé que le notre. Vraiment. Et puis, pour moi, quand je vois ces gens si simples qui viennent et qui baisent la croix ou l’anneau… Ils me rappellent qui je suis et qui je porte. Il faut soutenir ces gens. Il faut les accompagner par la prière, par notre oui au Seigneur et par une aide matérielle.