Czestochowa 2017. Le message de Julián Carrón

« Garder les yeux rivés sur la Vierge vous aidera à reconnaître l’essentiel. »

Chers amis,

C’est une chance que vous disposiez de ces journées de pèlerinage pour renouveler la mémoire du Christ compagnon de route. Si, par moments, la fatigue vous saisira, comme cela arrive dans tous les aléas de la vie, ne vous découragez pas, mais empoignez-la pour reconquérir votre cœur, comme une occasion d’approfondir la conscience de ce dont vous avez vraiment besoin : « besoin de Lui » (pape François, Lettre à Julián Carrón, 30 novembre 2016). Ainsi, vous pourrez voir exploser en vous la gratitude parce qu’Il ne vous abandonne pas. C’est la seule raison pour aller voir la Sainte Vierge, au lieu de préférer une semaine de plage. Quelle est la différence entre les autres jeunes et vous ? Que vous seriez meilleurs qu’eux ? Non. Seul le chemin que vous avez suivi pendant ces années d’école et d’université vous distingue d’eux. Ceux qui pensent s’en sortir seuls avec leurs projets d’avenir n’ont pas à remercier ni à demander. Ce n’est pas votre cas ; votre désir de participer à ce geste indique déjà que le chemin que vous avez parcouru vous a montré que « l’homme ne vit pas seulement de pain », qu’il ne se contente pas d’avoir un travail ou d’être amoureux, parce qu’il a besoin de quelque chose d’autre pour que la vie soit « vie ».

Combien de faits vous sont arrivés pendant ces années ! Aussi, ce sera une fête d’aller à Czestochowa pour remercier. Combien de souvenirs ! « En ces jours-là, Moïse parla au peuple et dit : "Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert." » (Dt 8,2). Cela semble écrit pour vous : le premier mot d’ordre pour le chemin est une invitation à faire mémoire. Il n’y a rien à imaginer, il suffit de se rappeler. Quoi ? Tout ce qui t’est arrivé. Pourquoi ? Parce qu’ainsi, tu pourras être encore plus reconnaissant. En effet, qui remercie le plus ? Celui qui oublie le moins ce qu’il a reçu. Celui qui ne réalise pas qu’il a reçu un cadeau n’a pas le désir de remercier. En Espagne, un proverbe dit : « Lo olvidado, ni agradecido ni pagado » : on ne remercie pas pour ce que l’on oublie et on ne le rend pas. Si je prête quelque chose à un ami et que celui-ci l’oublie, il ne me remercie pas pour ce que je lui ai donné et il ne me le rend pas. Comme le Christ ne nous demande pas de lui rendre quoi que ce soit, nous pouvons le remercier bien plus, mais seulement si nous ne l’oublions pas.

Combien de difficultés vous avez certainement traversées pendant ces années ! C’était le cas aussi pour le peuple d’Israël, qui a connu les humiliations et les épreuves dans le désert. Pourquoi le Seigneur l’a-t-il permis ? « Pour savoir [vraiment] ce que tu as dans le cœur. (…) Je t’ai donné à manger la manne », dit Dieu, « je t’ai soutenu sur le chemin, je ne t’ai pas laissé seul comme un chien dans le désert, au milieu de tous les aléas de ce long pèlerinage ». Vous aussi, vous pouvez rappeler comment le Christ vous a accompagnés le long du chemin et vous a nourris, comment il vous a soutenus d’une manière « que ni toi ni tes pères n’aviez connue ». Quel était le but du chemin en compagnie du Christ, au milieu de tous les aléas de la vie ? Que tu comprennes ! Quoi ? Que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche de Dieu » (Dt 8, 2-4). Comment savoir si tu as vraiment avancé ? Si en toi a grandi la conscience de ce que tu désires vraiment. Bien souvent, nous nous contentons des miettes parce que nous n’avons pas compris ce dont nous avons besoin pour vivre.

Le Mystère t’a préparé à l’avenir à travers un chemin, pour ne pas répéter les bêtises commises et pour que tu ne cherches pas la réponse là où tu ne peux pas la trouver. Par conséquent, si tu ne fais pas mémoire et si tu n’apprends pas à partir de ce qui t’est arrivé, à savoir que Dieu t’a conduit dans « ce désert, vaste et terrifiant » (Dt 8, 15) – que peuvent parfois être nos journées –, tu ne peux pas comprendre la portée de la rencontre avec le Christ et la promesse que contiennent ses paroles : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous ». Ou encore : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang […] vivra éternellement », dit Jésus ; autrement dit, il commencera à faire l’expérience de quelque chose qui reste dans le futur, d’une vie qui dure. En effet, « de même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». Jésus vous invite à parcourir un chemin pour vous approprier la manière dont il vit le rapport avec le Père. « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père » (Jn 6, 53-56). À partir de votre expérience, vous apprendrez vous aussi à vivre comme des fils, parce que seul « celui qui me mange vivra par moi » (Jn 6, 57), dit le Christ. De quoi avons-nous besoin pour affronter l’avenir, sinon de cette promesse ? Si vous le vivez dans la compagnie du Christ, tout sera pour vous. Autrement, vivre sera vraiment usant, même si vous avez un travail, la femme ou l’homme qu’il vous faut, et si l’avenir vous semble à portée de main.

Maintenant, c’est à vous, je vous ai tracé un chemin que personne ne peut faire à votre place. Le pèlerinage permet d’apprendre à obéir et à découvrir ce qu’est la vie en Sa présence.

Garder les yeux rivés sur la Vierge vous aidera à reconnaître l’essentiel. Appropriez-vous son chemin, qui lui a fait comprendre toujours plus la nature de son moi. La Sainte Vierge est l’emblème de la créature nouvelle, dont nous désirons être toujours plus proches, comme conception et comme expérience de vie. En effet, elle a compris qui remplissait son cœur, qui était son Fils et quelle portée avait son Fils dans sa vie. Quelle conscience devait-elle avoir du fait que tout se jouait dans le rapport avec son Fils ! C’est pourquoi la Sainte Vierge est la personne que nous pouvons garder dans les yeux en marchant, non seulement comme le but à atteindre, mais aussi comme une présence le long du chemin, pour lui demander : « Toi, comment as-tu fait ? Comment as-tu fait quand tu as vu comment on traitait ton Fils ? Comment as-tu fait quand tu as dû affronter les situations dans lesquelles ton Fils s’est trouvé ? ».

Imaginez vivre le chemin comme elle l’a fait ! Ce n’est pas seulement une présence à laquelle demander, mais surtout une présence à laquelle s’identifier pour expérimenter la compagnie du Christ pendant le chemin. Comme lorsqu’elle le portait dans son sein, et ne pouvait pas se réveiller le matin sans se rendre compte de l’être neuf qu’elle devenait elle-même. Et lorsque Jésus naît, les bergers arrivent et sont tous abasourdis par ce qui est arrivé. Et lorsque l’enfant se perd et qu’on le retrouve dans le temple, et qu’elle ne comprend pas, tant Sa vie est un mystère ; et lorsque les difficultés commencent, jusqu’au bout. Rien n’a été épargné à Marie. Pourtant, personne n’a vécu comme elle dans cette familiarité avec le Christ. Don Giussani dit : si cela n’est pas ainsi pour nous, « nous ne connaissons pas – au sens biblique du terme – le Christ » (Una strana compagnia, Bur, Milan 2017, p. 89). Cela ne veut pas dire que nous ne connaissons rien du Christ comme formule, comme définition, comme informations sur sa vie ; nous ne le connaissons pas au sens biblique : comme on connaît une personne que l’on aime.

Avec la Sainte Vierge peut grandir en vous la familiarité avec le Christ et entre vous, qui contaminera les autres autour de vous. Vous apprendrez, comme le dit le Pape, ce que signifie être « une Église en sortie » : c’est autre chose que de s’enfermer dans son petit groupe d’amis réguliers ! Le pèlerinage permet de vivre cette tension pour tout partager avec les autres jeunes que vous rencontrerez. Cela pourra vous ouvrir à des rapports magnifiques.
Voilà la beauté et l’aspect éducatif du pèlerinage : si l’on voit la victoire du Christ dans le présent, cela permet d’affronter l’avenir. Ceux qui préfèrent aller à la mer l’apprendront plus tard ; cela ne leur est pas épargné. Cela, on l’apprend, tôt ou tard, mais il faut l’apprendre de toute façon.

Pensez à moi devant la Sainte Vierge.

Julián Carrón