Mais toi, qu’apprends-tu de ton travail ?

Une exposition, trente-neuf témoins, de nombreuses rencontres… Pour affronter des demandes qui nous touchent de près.
Paolo Perego

« Mais quel est alors le critère pour choisir ? Un emploi stable ? Un bon salaire ? La famille ? ». Ce sont les questions posées par un médecin libéral, qui après avoir réussi un concours public se retrouve face à la possibilité d’un transfert du centre de l’Italie en Valteline [région d’Italie du nord, NdT]. Autre conversation, avec un visiteur de trente-sept ans : « Tu sais que je vais à Rome ? Comme dirigeant. Cela m’effraye un peu, mais j’y serais en septembre. C’est une belle occasion. » Et j’ai encore dans la tête les mots angoissés de cette maman, enseignante spécialisée : « Cette année, on m’a donné moins d’heures ». Tout cela se passe au Meeting, dans l’espace dédié à l’exposition “Chacun à son travail”. Ou à la sortie d’une des nombreuses rencontres organisées par la Compagnie des Œuvres sur des thèmes économiques. Mais c’est un sujet qui revient aussi régulièrement dans les conversations quotidiennes. On parle des problèmes dans les entreprises, de l’avenir, des difficultés – économiques ou autres. C’est précisément à partir de là, de ces choses simples mais qui touchent tout le monde, que quelques jeunes ont fait leurs premières armes dans le monde du travail pour préparer l’exposition : Comment choisir un emploi ? Comment concilier emploi et famille ? Comment faire face à une faillite ? « Le monde du travail est en train de changer. Les compétences techniques ne suffisent pas. Il faut tenir compte d’autre chose, d’éléments de la personnalité de chacun qui peuvent améliorer le travail. La solidarité, le punch… Nous parlons de la structure de l’homme, pas de la technique », a souligné à plusieurs reprises Giorgio Vittadini, président de la Fondation pour la Subsidiarité et l’un des commissaires de l’exposition. On dit facilement qu’il y a peu d’emplois. C’est vrai que les taux de chômage sont très élevés – pour les jeunes, par exemple, on arrive à plus de 40%. Mais nous sommes aussi imprégnés d’une certaine idée du travail (emploi fixe, contrat à durée indéterminée…) qui nous empêche de suivre le rythme d’un « changement d’époque », comme l’a défini le pape François.

Geste d'amour. Ainsi Marco, Maddalena, Giuditta et une vingtaine d’autres, munis de leurs demandes, sont allé trouver des personnes qui pouvaient raconter “comment c’était pour eux”. Et ils en ont invité quelques-unes à de modestes rencontres dans l’“Arena Lavoro”. Du chef d’entreprise Marina Salamon à Ferruccio Resta, recteur de l’École polytechnique de Milan, en passant par l’ingénieur Carlo Fumagalli et le startupper du Web Giovanni Zennaro. Trente-neuf interviews d’enseignants, de managers, d’employés… Jusqu’à Silvana, concierge dans une école milanaise, qui est au service des autres pour « être plus moi-même » et pour qui le travail est « un amour » (voir le site de l’exposition : www.ognunoalsuolavoro.com). Un geste d’amour donc. « Un acte créatif. Par le travail nous participons à la Création », comme l’a dit le père Francesco Occhetta, journaliste de la Civiltà Cattolica dans une rencontre avec Mauro Magatti et Mgr Filippo Santoro, archevêque de Taranto, anticipant la Semaine sociale catholique de fin octobre à Cagliari. « Il faut que le travail soit digne », a dit Mgr Santoro : « Il l’est s’il fait grandir la personne, la famille et la société. Pour don Giussani, il est l’expression totale de la personne. Tout ce qui exprime le rapport de la personne avec l’Infini se nomme travail ». Et les conditions de travail ? Les jeunes de l’exposition en ont discuté entre eux et avec des milliers de visiteurs, dont le ministre du travail Giuliano Poletti. Quelqu’un a profité de la présence du Premier ministre Gentiloni à la rencontre inaugurale du meeting pour demander des réformes. « Nous avons déjà fait quelque chose », a-t-il répondu, tout en soulignant l’engagement du gouvernement à créer de nouvelles embauches avec la création du jobs act ou en agissant sur la politique fiscale : « Mais il faut “y croire”. Comme vous. »

Maîtres. Quelle est donc la solution ? « Nous ne voulons pas donner de réponses lapidaires », disent les guides au terme de l’exposition. Nous proposons un chemin à partir d’une expérience partagée. « Il faut un maître, par exemple. Ou bien commencer à dialoguer avec les collègues, qui sont des amis et pas des ennemis... ». Les panneaux et les vidéos ont ému de nombreuses personnes : « J’avais une réunion le jour suivant, et elle a été différente des autres », a raconté quelqu’un. D’autres avaient des objections : « Vous ne parlez pas de ceci, pas de cela, vous ne donnez pas de réponse ». Emanuele, l’un des guides, leur répond : « Ce n’est pas exact. Mon père a changé. Il est venu à Rimini après avoir critiqué le meeting pendant des années. Il avait perdu son travail et ne voulait plus entendre parler de certaines choses ». Mais Emanuele lui a parlé de l’exposition, et de comment il était en train de vivre et de travailler : « Je suis actuellement traiteur à mon compte. Mais il m’est arrivé de travailler pour un office de tourisme autrichien. Un milieu difficile. J’étais le dernier venu, on parlait une langue étrangère, le temps libre était limité ». Hôtel-bus-cuisine… « Un jour on m’a demandé de garnir des glaces de petites feuilles de menthe. Feuille après feuille sur des milliers de glaces. J’ai commencé à me demander pour qui j’étais en train de faire cela, à qui iraient ces desserts ». Un nouveau souffle, dit Emanuele. « Aimer ». Un geste d’amour, justement.