L'Équipe des Universitaires de CL

La vie chante

Il y a les étudiants de première année et ceux qui obtiendront bientôt leur diplôme. Quelques jours à l’« Équipe des Universitaires » avec Julián Carrón et plus de 400 jeunes venus de toute l’Italie et de l’étranger.
Paola Bergamini

« Si mes cours et mes différents engagements me le permettent, dès que je peux, je suis en vidéo-conférence la rencontre des étudiants avec don Carrón. Fréquenter les jeunes du CLU apporte beaucoup à ma vie. L’Équipe est une belle occasion que je considère comme un don, gratuit. Tu verras toi-même » dit Paola, professeure de latin à l’Université d’État de Milan, durant notre voyage vers Corvara. C’est ainsi que commence ma première Équipe (comme quelques étudiants, en 1975, ont baptisé cette « réunion des responsables » avec don Giussani) : quatre jours pour partager la vie de plus de 400 étudiants provenant de toute l’Italie et de l’étranger. Une belle occasion pour moi aussi.

L’après-midi, des voitures, toutes bien remplies pour amortir les coûts, commencent à arriver sur le parking de l’hôtel. « C’est magnifique ! » s’exclame un jeune en bermudas et tongs, appuyé à la Punto dont il vient d’émerger en regardant les montagnes. Il n’y a pas un nuage dans le ciel. « Aujourd’hui elles sont spectaculaires. C’est la première fois que tu viens à Corvara ? » lui demande le conducteur de la voiture à côté. « La première fois de tout ! ». « On mange ensemble ? ». « D’accord ! ».

« Je ne sais pas combien d’entre nous sont conscients de la grâce spéciale que sont ces journées. Pouvoir s’arrêter et regarder » introduit don Carrón après le dîner. Une grâce qui provoque et implique toute notre liberté, parce qu’il n’y a rien d’automatique, il faut décider de prendre sa vie en main. Pour se surprendre à reconnaître ce qui nous sauve dans une vie quotidienne qui nous coupe les jambes. L’École de Communauté, la Caritative, la Collecte alimentaire, etc. ne suffisent pas. À la fin, tout peut finir dans le formalisme, et il n’y a plus de joie. Sur la base des symptômes nous comprenons de quoi nous sommes malades ; il en va de même pour notre vie. Les insatisfactions, les malaises sont les symptômes pour percevoir tout notre besoin et mendier la présence du Christ, comme pour l’Innommé de Manzoni. Il faut du temps. Et ces quatre jours sont le temps « de mettre la main à la pâte pour voir si sa Présence résiste et nous épanouit ». Ce que l’on demande immédiatement durant la messe par l’intercession de don Giussani.

PATIEMMENT
Avant d’aller dormir, on a le temps de boire une bière et de saluer ceux qui sont arrivés à la dernière minute. « Comment se sont passées tes vacances ? ». « Bien ! Pèlerinage à Czestochowa et puis on est parti étudier à quatre, mais le soir on allait quand-même se baigner. Encore un examen et j’ai fini. Et toi ? » « Moi je commence la deuxième ! ». « Alors tu feras les petits groupes privés ! ». « Responsable » n’est pas un terme hiérarchique, il est valable pour ceux qui sont en première année ou pour ceux qui quitteront l’université dans quelques mois. L’« invitation gratuite » de Paola devient plus claire. On répond.

Jeudi, il fait encore beau et l’on part en randonnée à Pralongià. Deux heures de marche, la première assez dure. Qui a le plus de peine marche devant pour donner le rythme. Pour ceux qui n’y arrivent vraiment pas, il y a le télésiège et vingt minutes de faux plat. « Dans la forêt, gardez le silence et demandez à Dieu une plus grande conscience de vous-même » dit Carrón avant de prier l’Angélus. Giulia a de la peine, même sur le faux plat, elle est essoufflée et veut retourner à l’hôtel. Francesca, sa camarade d’université à Campobasso, reste avec elle. Chiara, du secrétariat, les attend : « À cause d’un accident au bassin je ne peux pas non plus faire de longues marches. Marchons plus lentement. Combien êtes-vous dans votre communauté ? ». « Plus ou moins sept ». Lentement, en parlant, elles arrivent au refuge. « Tu as réussi. Il faut être patiente ». « Je ne suis pas patiente, même pas avec moi-même » répond Giulia. Quelques minutes plus tard arrive un prêtre dont elle a fait la connaissance sur le chemin ; elle lui demande : « Est-ce que je peux me confesser ? ».
Au sommet, le spectacle des montagnes nous laisse bouche bée. « Nous sommes ici pour nous laisser surprendre. Comme nous surprend la beauté de ces montagnes » dit Nacho, prêtre espagnol responsable du mouvement en Espagne, en célébrant la messe. Durant le pique-nique arrivent le vent et les nuages. Mais on a le temps de nous donner une explication ironique et sympathique de la géographie des Dolomites y compris pourquoi elles rosissent au coucher du soleil : selon la tradition (« mais nous avons vérifié nos sources ») c’est la faute d’un roi des nains ! Rires et applaudissements.

LE SILENCE
Retour en début d’après-midi. Le temps presse, le rythme est soutenu. À 16 heures 15, la salle se remplit pour l’assemblée sur la question : Qu’est-ce que le salut pour toi ? Où l’as-tu vu ? Les intervenants racontent les « symptômes », les expériences concrètes d’un quotidien qui coupe les jambes. C’est un dialogue continu entre les jeunes et Carrón, entre amis qui partagent la même tension pour ce qui fait bouger la vie. Francesco parle de la tristesse ressentie pendant les vacances de sa communauté, la frénésie avec laquelle il s’est jeté dans les choses à faire. Mais rien ne change. Puis il voit un compagnon heureux de participer aux jeux et son regard se relève. Carrón insiste : « Qu’est-ce qui t’a fait bouger ? Pas ta tentative de réponse ». Durant ses vacances, Margherita est seule dans un petit village du Piémont. Elle s’ennuie et ne cesse de penser aux jours prochains, quand elle retrouvera ses amis. Puis elle se demande : « Si je mourrais demain, à quoi me sert ce temps ? ». Elle se souvient des paroles d’un ami : « Il suffit d’être conscient de ce que tu as rencontré. En Ouganda, dans son travail avec les femmes malades du sida, Rose est plus utile que toutes les ONG parce qu’elle ne se détache pas de la source de la vie ». Ce jour-là, à la messe, elle prie pour que sa vie soit utile. « Qu’est-ce qui t’a sauvée ? demande Carrón. « Un regard ? ». « Non. Que dit l’Évangile à propos de Marie ? Elle conservait tout dans son cœur. Tu as dû récupérer ce qui t’était arrivé. C’est pour cela qu’on a besoin du silence, de la prière, comme aujourd’hui pendant l’excursion ». La vie ne s’écoule pas en vain et le présent devient présent.

Les étudiants ont invité Luciano Violante aux vacances de l’École Polytechnique de Milan. « Pendant la rencontre publique avec toi sur l’éducation, j’ai été frappé par le fait que, au fur et à mesure qu’il répondait, il devenait plus lui-même, plus authentiquement homme » raconte Paolo. « Vous êtes géniaux quand vous vous accrochez à la réalité » l’interrompt Carrón. Pendant cette soirée de vacances, il se passe la même chose : Violante veut comprendre ce qui anime ces 400 jeunes, il est attiré par leurs questions. Jusqu’à s’exclamer : « Je sors d’ici différent de ce que j’étais en arrivant ».

Mais quand il entend : « J’attends le dernier moment de ma vie pour Le reconnaître », Paolo se fâche : « J’avais envie de lui dire : « Qu’est-ce que tu attends ? ». « Et pourquoi tu ne le lui as pas demandé ? » demande Carrón. « J’ai pensé à mon expérience, au fait que le Seigneur a aimé et aime encore ma liberté et si je le renie il revient pour me prendre et m’embrasser. C’est le Christ qui nous change. Après cette rencontre j’ai eu besoin de rester en silence, un peu comme les apôtres après avoir été avec le Christ ». Le silence règne aussi dans la salle. « Le silence chrétien ce n’est pas se taire ; il est plein de la rencontre que l’on a faite. On fait de la place à Celui qui, seul, peut vaincre la solitude du cœur » dit Carrón. Ces deux heures aussi sont denses, jusqu’à la dernière intervention. « Comme Marie, gardez tout ceci comme un trésor » répète Carrón à la fin.
Adossée au mur, Caterina soupire : « Ils parlaient trop vite ; traduire en russe n’a pas été facile. J’espère que je ne me suis pas trompée. C’était trop ! Il faut leur dire de parler plus lentement ! En plus de la vitesse, il y avait la profondeur, l’intensité de ce qui se passait ».
Le soir on projette la vidéo de la présentation de La beauté désarmée à Barcelone avec la journaliste et écrivain Pilar Rahola, qui nous remet sous les yeux la même dynamique de rencontre que Paolo avait racontée pour Violante.

Vendredi matin, don Stefano Alberto ne donne pas un cours sur Evangelii gaudium, mais, à partir du document programmatique du pape François, il trace un parcours qui concerne la vie des jeunes. Et il provoque des questions. Emanuele part d’un exemple pour comprendre ce qu’est l’indifférence relativiste : « Lorsque j’ai dit à deux de mes cousines qu’elles étaient en train de commettre de grosses erreurs, elles m’ont répondu : "Nous préférons être libres de nous tromper”. Comment affronter une personne qui est en train de se tromper ? ». Carrón l’interrompt : « Comment as-tu réagi ? ». « Je me suis fâché ! Mais cela n’a rien changé ». Voilà le nœud de la question. « Les pharisiens avaient dit que Zachée était un sale voleur, Jésus est allé à sa rencontre, chez lui, sans rien justifier. Voilà le défi dont parle le pape François ».

À table, Claudio raconte les étapes de son voyage de Bari à Milan. « Pour dépenser le moins possible, avec les changements et les temps d’attente, j’ai mis presque 24 heures pour arriver. À un moment donné, un homme a commencé à me raconter sa vie… et je me suis endormi ! Mais je referais tout, ces journées sont trop importantes ! ».

AU COLLEGE
L’assemblée est un autre dialogue entre Carrón et les jeunes, peut-être encore plus dense que le précédent. Priscilla et les discussions au collège, Carlo et l’effort de la randonnée, l’envie de Francesca à l’égard de son amie qui est toujours joyeuse au Meeting, tous parlent d’inadéquation, de « devenir plus humains ». Ce n’est pas une meilleure performance qui génère un changement. Mais quelqu’un qui fait renaître les questions sur ta vie, comme pour Giorgio durant son trimestre à Jérusalem. On peut alors sortir du tourbillon des pensées et découvrir que le Seigneur nous embrasse dans notre besoin. Dans la vie de chacun, il y a des faits qui s’imposent et défient la raison sans nous laisser tomber dans le sentimentalisme. Il suffit de les regarder, de les récupérer. « La prière chrétienne, c’est faire mémoire des faits que le Mystère a préparés pour nous. L’Église nous invite constamment à cette prise de conscience ».

Les faits, les circonstances, les rencontres sont autant d’occasions pour apporter notre contribution au bien commun comme on nous le raconte le soir. Giorgio parle des rapports nés au sein de la résidence universitaire où lui et quelques amis ont décidé d’emménager. Une nouvelle présence que même l’aumônier a remarquée.

À l’université d’État de Milan il y a un numerus clausus pour certaines facultés. Bernardo et ses amis ont commencé une période d’intense collaboration avec les compagnons de l’autre liste, historiquement rivale. « Ils avaient écrit un document de haut niveau. Nous nous sommes rendu compte qu’ils étaient en avance sur nous et nous avons commencé à travailler avec eux ». Et le soir à boire une bière ensemble : « Là ils nous ont bombardés de questions ».
Melisa participe à une rencontre du diocèse avec des représentants d’autres mouvements. Avec deux prêtres naît une amitié pleine d’estime qui dépasse les préjugés. De même pour les membres du chœur du CLU que Melisa implique dans l’expérience d’un chœur commun.

LA SEULE CONDITION
Le samedi matin commence avec la très douce mélodie du chant galicien Negra Sombra : « Ne m’abandonne jamais, ombre noire qui toujours me surprends ». « Qui ne voudrait pas être surpris par un événement qui transforme tout ? » demande Carrón. Mais la vie chante parce qu’un autre la fait vibrer. Voilà ce qui est arrivé pendant ces quelques jours sur lesquels fixer le regard. Sans se préoccuper de ne pas se tromper ou, pire, de penser : « Que dois-je faire demain ? » en glissant vers un formalisme qui tue. Le mot mémoire nous revient pour revivre maintenant l’événement qui a rendu la vie joyeuse. La seule condition, c’est la pauvreté, c’est-à-dire de découvrir notre besoin de sa présence et de nous abandonner comme l’Innommé.
Dans le parking, Maria, professeure d’histoire, regarde autour d’elle et dit à voix basse : « Ces jeunes sont transparents. Transparents de l’expérience qu’ils sont en train de vivre. Pour rien au monde je ne raterais ces journées ! ».