Le Noël de Jésus, vraiment pour tous sans exception

« Celui qui le reconnaît commence à voir les germes d’une vie qui fleurit. » L'article du Président de la Fraternité de CL paru sur Avvenire le 22 décembre.
Julián Carrón

« La réalité est plus importante que l’idée » (Evangelii gaudium, 231). Rien ne défie plus la raison de l’homme et la logique humaine qu’un fait, un événement réel. Pensons au peuple hébreu en exil, dont parle le prophète Isaïe.
La dernière chose à laquelle les Hébreux s’attendaient, quand tout semblait fini, quand ils étaient au milieu de rien, était que quelqu’un défie les revers qu’ils avaient connus et la mesure avec laquelle ils jugeaient. Ils avaient même commencé à s’habituer à la situation dans laquelle ils s’étaient trouvés. Pourtant, au milieu du désert, une voix se fait entendre : « C’est moi, le Seigneur ton Dieu » (Is 41, 13 ss), une voix qui prononce des paroles que nul n’aurait le courage de dire, tant elles sont éloignées de la logique humaine : « Ne crains pas ».

Est-ce possible ?! Comment ne pas avoir peur quand on est perdu au milieu de rien, en exil ?
Nous avons la même réaction face aux défis actuels : la peur nous assaille, nous sommes tentés d’ériger des murs pour nous protéger ; nous cherchons une assurance dans ce que nous construisons nous-mêmes, en raisonnant selon une logique purement humaine, celle même que Dieu bouscule constamment : « C’est moi, le Seigneur ton Dieu, ne crains pas ! ». Sous nos yeux apparaît toute Sa différence. En effet, cette injonction, « Ne crains pas ! », est ce en quoi l’on croit le moins aujourd’hui, ce qu’il y a de plus incroyable, y compris pour nous ; face à tout ce qui se passe dans le monde, qui peut dire qu’il n’a pas peur ?

« C’est moi le Seigneur ton Dieu, ne crains pas ». Notre raison et notre liberté sont aiguillonnées par cette promesse, comme c’est arrivé au peuple en exil. Nous aussi, nous sommes comme Jacob un « pauvre vermisseau », comme Israël de « pauvres mortels », nous nous sentons tout petits face à l’énormité des problèmes. Sommes-nous disposés à accorder du crédit à l’annonce de la libération qui retentit aujourd’hui pour nous ? « Ne crains pas, je viens à ton aide ».
En commentant ces paroles, le pape François a dit : « Noël nous aide à comprendre que, dans cette mangeoire […], c’est le Dieu grand qui a la force de tout, mais qui se fait petit pour être proche de nous et, ainsi, il nous aide, il nous promet des choses » (Homélie Sainte Marthe, 14 décembre 2017). Y a-t-il quelque chose de plus bouleversant pour nos mesures ?



Le Seigneur nous déconcerte sans cesse, parce qu’il a un regard différent, vrai, sur la réalité, capable de saisir des éléments que nous ne voyons pas. Si nous relevons le défi, nous qui sommes si misérables, nous pourrons reconnaître la réponse à notre cri : « Moi, le Seigneur, je les exaucerai, moi, le Dieu d’Israël, je ne les abandonnerai pas ». Celui qui a confiance en Lui, celui qui s’abandonne au projet d’un Autre voit la promesse se réaliser : « Sur les hauteurs dénudées je ferai jaillir des fleuves ». N’est-ce pas ce qui nous surprend dans certaines rencontres ? Tandis que certains sont de plus en plus craintifs, toujours plus repliés sur eux-mêmes, toujours plus fermés, toujours plus découragés, d’autres fleurissent et témoignent d’une manière différente, positive, de vivre les choses habituelles.
Comment certains peuvent-ils resplendir de vie, tandis que d’autres ne voient dans chaque circonstance qu’une confirmation de leur scepticisme ? Tout passe par la fine lame de la liberté. « Je changerai le désert en lac, et la terre aride en fontaines » : si nous suivons l’injonction du Seigneur, nous pourrons voir fleurir la vie dans cette terre aride, dans notre situation historique – pas dans une autre, dans celle-ci. « Je planterai dans le désert le cèdre et l’acacia, le myrte et l’olivier ; je mettrai ensemble dans les terres incultes le cyprès, l’orme et le mélèze ». Celui qui a confiance en cette promesse commencera à sauver sa vie en la vivant. Pourtant, souvent, une interrogation s’insinue en nous : le Seigneur ne pourrait-il pas nous épargner tant de circonstances défavorables auxquelles nous sommes confrontés ? Nous ne voyons pas que certaines situations sont le fruit d’un usage erroné de notre liberté ; Israël n’avait pas fait confiance au Seigneur, il n’avait pas cru à sa parole et il avait préféré s’allier avec les puissances de l’époque, pour finir exilé. En revanche, celui qui fait confiance commence à voir les signes du Seigneur en action : Dieu agit dans l’histoire « afin que tous regardent et reconnaissent, afin qu’ils considèrent et comprennent que la main du Seigneur a fait cela, que le Saint d’Israël en est le créateur ».

Celui qui ne fait pas confiance ne verra pas, parce que le monde sera plein de contradictions qui effrayent, mais en celui qui accueille Jésus, la vie commence à resplendir. Celui qui le reconnaît commence à voir les germes d’une vie qui fleurit.
Il faut être simples, comme le dit Jésus qui vient à Noël : « Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui » (Mt 11, 11).
Depuis deux mille ans, le message du salut, aussi impensable à l’homme que réel, est pour chacun. Il est à la portée de tous, sans exception.



Julián Carrón
Président de la Fraternité de Communion et Libération