Collecte 2018. L’espérance sous le gilet jaune

Parmi les 145 mille volontaires de la Banque alimentaire, il y a Lais, Laura, Tommaso et Altafur. Des visages, des personnes et des histoires liées à ce geste de charité où la participation est la plus élevée en Italie
Roberto Perrone

La collecte alimentaire est aussi une occasion pour connaître Milan (ou une autre ville), et en avoir un point de vue inhabituel. Caterina vient de la rue de Padova et s’est retrouvée sur la Place Salgari. « Pourquoi aller si loin ? Parce qu’ils nous ont dit qu’ils avaient besoin ». Mais, bien sûr, il ne s’agit pas seulement d’une expérience touristique. Les gilets jaunes ne sont pas là pour protester comme ceux qui paralysent la France en ce moment et qui ont saccagé les Champs Élysées à Paris. Ils ne sont pas là seulement pour un geste de solidarité, mais plutôt pour une nécessité personnelle. En faire partie rend heureux, fait découvrir quelque chose de soi pour le transmettre aux autres, comme l’écrit Julian Carrón : « Ça c’est la différence entre un geste de volontariat et un geste de caritative comme celui que nous proposons : si notre action porte une espérance pour toute la vie – puisque c’est ce que tous attendent pour vivre – ou si nous nous contentons d’apporter une réponse à un besoin matériel sans communiquer l’unique chose que transmettait Jésus quand il répondait au besoin des personnes : qu’elles n’étaient plus seules comme des chiens et qu’il y avait donc une espérance ». Moi je le vis tous les ans quand j’y vais : cela arrive à me sortir de ma paresse, ce qui n’est pas rien.

Et cela arrive même pour ceux qui ne font pas l’expérience de Communion et Libération. J’en rencontre beaucoup. Peut-être n’en ont-ils pas une conscience aussi précise que celle décrite par Carrón, mais ils pressentent en eux l’espérance pour eux-mêmes et les autres. Au Carrefour de l’Avenue Lodi, à l’angle de Brenta, je fais la connaissance de Lais : cheveux bouclés, c’est une brésilienne de Sao Paulo qui vit en Italie depuis 2006. Mariée, mère de deux enfants, elle travaille chez Nestlé. En fait, pour être précis, chez Nespresso, car quand je lui dis pour plaisanter qu’elle doit avoir des dosettes à profusion, elle me corrige : « Il ne faut jamais dire des dosettes ! Mais des capsules ». Sorry.



Elle a reçu un mail de l’entreprise. « Ils demandaient des volontaires et je me suis proposée ». Elle a retrouvé une collègue, Laura, qu’elle connaissait de vue car elles se croisaient à la cantine, et une autre, Lucia, qu’en revanche elle ne connaissait pas du tout. C’est ce qui est aussi arrivé à Altafur originaire du Bengladesh, qui étudie à l’école Leonardo et qui n’avait jamais croisé Tommaso pourtant dans la même école. « En quelle classe es-tu ? », demande Tommaso. « En troisième ». « Ah, moi en première ». Comment dire : ce n’était pas une communication forcée. Leur communication était le fruit de la Collecte. « Pourquoi suis-je ici ? », répond Altafur : « J’aime aider, me rendre utile ». Leurs histoires se mêlent à celles des adultes, des étudiants universitaires, des jeunes et des moins jeunes. Rachele étudie à Venise. Elle est rentrée à la maison pour le week-end et elle a enfilé le gilet jaune des volontaires avec sa mère, désireuse, comme l’écrit Carrón, « de vivre ce geste surtout pour elles-mêmes ». Emanuela que je rencontre au supermarché Esselunga du Viale Umbria, s’est dopée aux anti-inflammatoires pour pouvoir venir. « Ce matin j’avais le dos en miettes ». Et maintenant elle est là en train de distribuer des tracts et des sacs. Son amie Silvia arrive : « Mais je dois vraiment le mettre, le gilet jaune ? ». Et oui, s’il était bleu, ça simplifierait les choses.



Visages, personnes, histoires de la Collecte. Il arrive même des choses curieuses. Michele est romagnol, inscrit en Sciences Politiques à l’université « Statale ». Son tour : 11h à 14h se passe dans un supermarché du centre où les gens sont aisés et ne jettent pas l’argent par les fenêtres. Quelques-uns n’ont pas l’habitude des collectes. « Il y en a un qui nous a donné, tout content, une boîte géante de mouchoirs en papier ». Il est vrai que le rhume est une maladie de saison et que cela peut s’avérer utile. « Puis arrive un couple qui nous demande deux sacs dont un servira pour leurs courses comme ils nous le disent clairement ». Ainsi, ils économisent les quelques centimes du sac plastique. « Oui, mais en fait, en sortant, ils nous donnent le mauvais sac, celui avec leur dîner. Il y avait même une boîte de “pasta e fagioli“ à consommer tout de suite. Non, ils ne sont pas revenus la reprendre, et non, nous ne l’avons pas mangée ». Mais finalement une grande majorité des clients ont pris les sacs des volontaires au gilet jaune qui étaient au nombre de 145 mille devant les 13 mille supermarchés qui ont adhéré à l’initiative. Les tonnes de nourriture récoltées serviront à garantir les 16 millions de repas par jour pour les 5 millions d’indigents en Italie, selon les estimations de l’Istat. La nouveauté de l’édition 2018 est qu’il était possible de faire des dons en ligne pendant deux jours (dimanche compris) sur la plateforme d’Auchan, Carrefour et Esselunga. Merci quand même. Mais ceux qui ont rencontré Altafur ou Rachele sont rentrés chez eux avec quelque chose en plus.