Un spectacle de danse lors du Festival des Habiletés Différentes 2019 (photo de Luca Montaletti – Icos Photos)

Un festival de « pièces uniques »

En Emilie-Romagne pendant le mois de mai. Les protagonistes des spectacles, pièces de théâtre et conférences : des personnes « diversement habiles ». Ils témoignent, avec leur fragilité, du grand désir que chacun possède en son cœur
Magda Gilioli

Ce ne sont que deux mots et ils sont très simples : « Pièces uniques ». Lorsqu’on les entend, on imagine tout de suite quelque chose de particulier, et d’une rare beauté provenant justement de leur unicité. Mais « Pièces uniques » est aussi le thème de la XXIe édition du Festival International des Habiletés Différentes qui vient de se terminer. Promu par la « Coopérative sociale Nazareno (Le Nazaréen n.d.t.) » de Carpi, dans la région de Modène, cet événement a montré comment de nombreuses pièces uniques, si elles sont assemblées avec savoir et maîtrise, peuvent devenir une explosion d’énergie, de capacité et de ressources, capable d’émouvoir et de bousculer quiconque s’y confronte, qu’il soit interprète ou spectateur.

Ce Festival s’est déroulé du 2 au 30 mai dans les villes de Correggio, Carpi, Bologne, Pavullo et Riccione. Le coup d’envoi a été donné par le Concours Open Festival, où neuf troupes, incluant des personnes handicapées, se sont défiées à travers des spectacles de danse, de théâtre, de musique et même des courts-métrages.

La rencontre de Bologne avec l’archevêque Zuppi et messieurs Bellini et Stanghellini

Parmi les principales conférences, relevons « Contemporanéité et courts-circuits de l’être humain : voie de sortie », donnée par l’archevêque de Bologne, Monseigneur Matteo Zuppi, le psychiatre Giovanni Stanghellini et le sociologue Pier Paolo Bellini, ainsi que « Le rapport indispensable » avec Fabrizio Asioli et Fabrizio Starace. Il y eut aussi plusieurs présentations de livres par leurs auteurs. Notons Le voleur d’ombres de Veronica Cantero Burroni et Anne qui sourit à la pluie de Guido Marangoni. En plus de cela, le Festival comprenait des représentations théâtrales, des projections de films en présence des acteurs et des réalisateurs, des spectacles de danse, des divertissements, de la musique… jusqu’à des laboratoires sur divers thèmes allant de la narration à la pet therapy, et de la cuisine à l’écriture.

Responsable artistique de l’événement, Emanuela Ciroldi explique : « Le Festival est né il y a plus de vingt ans. Certains des jeunes de Nazareno avaient commencé à faire du théâtre et cherchaient un moyen de toucher un public dépassant les “habitués”, afin d’exposer notre travail au plus grand nombre et de chercher à nous améliorer ». Ce furent les premiers pas vers une professionnalisation qui a permis des représentations et des expositions dans toute l’Italie et même à l’étranger.

« Aujourd’hui, et depuis qu’il existe, le Festival touche les gens, grâce à sa capacité à mettre en lumière les talents de ceux qui vivent des situations de handicap. C’est une opportunité de se montrer, au-delà des apparences : nous, les accompagnants, nous ne sommes que les instruments de leur génie : ce sont eux qui deviennent des exemples pour tout le monde ». Ainsi, sur la scène, les handicapés de Carpi, Riccione et Los Angeles « offrent à la société ce qu’ils savent faire, en témoignant d’habiletés insoupçonnées et en forgeant une culture ».

Le groupe américain Rolletes à Riccione

« Non seulement tout ceci nous aide à prendre conscience de qui l’on est, explique Sergio Zini, président de Nazareno, mais c’est aussi une incitation à la recherche passionnée de quelque chose qui manque, que l’on devine entre les fissures de notre fragilité et que l’on désire ». Le mot même de « désir » implique quelque chose qui se trouve hors de nous. « Du latin de-sidera : tension vers les étoiles. Cela évoque l’immensité, semblable à cette soif insatiable que chacun possède en son cœur. Qu’est-ce qui pourra bien l’étancher ? ».

Dans son intervention à la rencontre de Bologne, Monseigneur Zuppi a dit : « Il faut sortir de soi pour être en soi ». C’est-à-dire que ce qui peut calmer notre soif se trouve en dehors de nous, dans la réalité. L’écrivaine argentine de seize ans, Veronica Cantero Burroni, handicapée, en témoigne. « Ecrire exige que je sois attentive à la réalité pour cueillir les mystères qu’elle renferme, cette part de réalité qu’il nous est donné de vivre, cette réalité qui nous attend. Dieu ne s’est pas trompé quand il m’a mise dans cette chaise roulante. Il avait un plan beaucoup plus grand que le mien. Il était en train d’écrire son histoire d’amour avec moi ».

« Que le fait d’écouter notre soif et d’élever le regard, trop replié sur nous-mêmes, nous fasse ouvrir notre cœur à ce Mystère qui est en tout », a encore dit Zini : « Pour cela, nous avons choisi comme titre de la prochaine édition, l’expression : “Assoiffé de réalité” ».