Luca Della Robbia, Vierge à l'enfant et parchemin (env. 1455) , Metropolitan Museum de New York

« Tu es source vivace d’espérance »

« Que cette source vivace d’espérance soit chaque matin, chaque matin, le sens immédiat de la vie le plus incisif et le plus tenace qui puisse être ! » L'intervention de Luigi Giussani au Meeting de Rimini en 2002, sur l’Hymne à la Vierge de Dante
Luigi Giussani

Ce que je voudrais vous dire est comme une revanche plus claire et plus profonde qu’on ne pourrait le penser sur l’apparente inutilité de la vie, sur l’apparente négativité des projets. Celui qui n’a pas éprouvé cela, qui ne l’a jamais senti et donc qui ne l’a jamais fait donne continuellement accès dans la vie à des choses vraiment laides. La poésie la plus belle qu’il y ait au monde est l’Hymne à la Vierge de Dante Alighieri dans le Paradis, une poésie qui n’a intéressé personne pendant des siècles et dont se souvient peut-être maintenant quelque disciple dévot de Benigni :

"Vierge Mère, fille de ton fils, / humble et haute plus que créature, / terme arrêté d’un éternel conseil", indication inéluctable de Celui qui a conçu le dessein du tout, du dessein de tout l’univers qui en est l’expression. En effet "tu es celle qui as tant ennobli notre nature humaine / que son créateur / daigna se faire sa créature /. Dans ton ventre", et ce sont les aspects les plus fascinants du texte de Dante, "dans ton ventre l’amour s’est rallumé, / par la chaleur duquel, dans le calme éternel / cette fleur ainsi est éclose", par la chaleur duquel, dans le calme éternel, sans pusillanimité, sans honte de mensonge, sans tromperie d’aucune sorte. "Par la chaleur duquel", « chaleur » est le mot par lequel est indiqué la fascination profonde et ineffable qu’exerce cette vie de l’univers à laquelle l’Esprit de l’éternel a donné naissance. "Ici", poursuit la poésie de Dante, "ici tu es pour nous la torche méridienne / de charité", tu es le point sûr d’amour, "et en bas chez les mortels, / tu es source vivace d’espérance".

J’ai voulu lire ces lignes ou les relire – qui sait combien parmi vous les auront déjà lues ces jours-ci – j’ai voulu les lire pour cette idée, mon souhait est tout entier dans cette idée : "Ici, tu es pour nous la torche méridienne/de charité, et en bas chez les mortels,/tu es source vivace d’espérance".

Dans toutes les nations de l’univers tu es source vivace d’espérance, tu es une source continue d’espérance, tu proposes continuellement l’espérance comme signification de la totalité, comme lumière de la lumière, comme couleur de la couleur, comme l’autre de l’autre.

Tu es source vivace d’espérance : l’espérance est la seule gare où le grand train de l’éternité s’arrête un instant. Tu es source vivace d’espérance. Sans espoir, en effet, il n’existe pas de possibilité de vie. La vie de l’homme est l’espérance, aussi, c’est vers l’espérance que j’invite vos yeux à regarder. Vos yeux que tant de voix entendues ces jours-ci ont incité à se lever. Chez les mortels tu es source vivace d’espérance. La figure de la Vierge est justement la figure de l’espérance, la certitude qu’à l’intérieur des pavillons – comme on dirait au Moyen Âge – de l’univers tu es la source d’eau qui s’entend, qui coule jour et nuit, nuit et jour.

Que cette source vivace d’espérance soit chaque matin, chaque matin, le sens immédiat de la vie le plus incisif et le plus tenace qui puisse être ! C’est pour cela que nous sommes amis ! Restons amis. Comment restons amis ? Nous ne pouvons être qu’amis pour cela. Je voulais vous dire, même dans la décrépitude de mes années, que l’espérance est une – une ! – celle qui a comme contenu total dans son objectivité l’imposition que la Vierge donne d’elle au monde : tu es source vivace d’espérance. Que cette source soit vivace tous les matins, le matin. Depuis quelques années ces pensées me sont devenues familières : on est spontanément comme assailli par la joie qui, même si elle dure quelques instants, dure quelques instants, mais comme émergence de la vérité de toute la vie.

Tu es source vivace d’espérance. Je vous souhaite que nous puissions être des compagnons, nous sentir amis jusqu’au fond du cœur, même si nous ne nous connaissons pas directement. Nous nous connaissons indirectement mais encore plus que si s’était directement. Source vivace, Vierge Mère, terme arrêté d’éternel conseil. Quelle histoire ! Dire cela au bout de soixante-dix ans, c’est vraiment impressionnant. Il est évident qu’il n’existe rien de sûr au monde sinon cela. Au revoir et excusez l’impertinence.