Photo : Christian Lue/Unsplash

Europe. Pour la paix, un horizon idéal

Le projet européen à l’épreuve des conflits, du déficit démocratique et du progrès technologique. La contribution de la Compagnie des Œuvres en vue des élections européennes

L’Europe désorientée
L’Union européenne traverse une phase difficile qui a débuté avec les récentes crises financières et s’est accentuée par la suite avec la pandémie et la concurrence globale croissante.
L'absence de croissance équitable entre les États membres sape son autorité, tandis que les conflits en cours menacent sa stabilité.
Les questions concernant le rôle de l’UE, son identité et les principales questions ouvertes (parmi lesquelles : transition énergétique et développement durable, natalité, protection sociale et immigration, harmonisation fiscale entre pays membres, politique extérieure et défense, thèmes éthiques et technologie, déficit démocratique des institutions) impactent le quotidien de tout le système économico-social, depuis les entreprises jusqu’aux simples citoyens. Mais il serait abstrait de les affronter sans partir de l’urgence qui, aujourd’hui plus que tout, risque de mettre en péril le projet tout entier.

L’urgence de la paix

Les graves conflits armés qui ont éclaté aux limites de l’Europe mettent à l’épreuve, de manière radicale, le futur de l’expérience européenne. Chaque effort doit se concentrer sur l’engagement pour la paix.
Il est utile de regarder aux origines : au centre du projet européen, il n’y avait pas l’économie – aujourd’hui, au contraire prédominante – mais la possibilité de construire une paix stable et durable. La collaboration entre pays vainqueurs et vaincus de la Deuxième Guerre mondiale fut décisive pour poser les bases d’un futur commun sans conflits, et l’économie s’est révélée être le moyen concret pour le réaliser. Cependant, ce qui ne devait être qu’un moyen est devenu une fin.
Aujourd’hui, l’explosion de nouvelles guerres et la course à l’armement remet tragiquement face à chacun le risque que l’on encoure : si la guerre devait s’étendre, on assisterait à la faillite définitive et sans appel du projet d’Union, attentant au futur de la famille humaine tout entière, comme le répète continuellement le pape François. Le seul fait d’accepter la possibilité, ou même la probabilité, de cette hypothèse contredit le fondement idéal sur lequel l’Europe a été construite.

Une Europe des peuples pour une réelle démocratie
Pour offrir un futur de paix et de solidarité aux peuples européens, les pères fondateurs sont partis de la conception de la personne comme « relation ». Avec le temps, elle a été substituée par celle plus abstraite d’« individu », atomisé et fragmenté, toujours plus apeuré et facile à manipuler. En faisant place à un pouvoir technologique toujours plus « intelligent », ou à celui d’organismes technocratiques qui se substituent aux libres dynamiques démocratiques. Il faut récupérer une conception de démocratie substantielle, qui se traduise dans le fait d’assumer une responsabilité concrète pour le bien commun. En ce sens, la devise officielle de l’Union, « Unité dans la diversité », qui renvoie à une Europe des peuples capable de respecter et de valoriser les particularités de chaque État membre semble significative. Nous assistons, au contraire, de la part des institutions européennes à des incursions dangereuses dans des champs qui risquent de porter atteintes aux traditions, aux cultures et aux économies des différents peuples. Le pape François a parlé d’« une Europe qui valorise pleinement les différentes cultures qui la composent, sa richesse énorme de traditions, de langues, d’identités, qui sont celles de ses peuples et de leurs histoires; et qui en même temps est capable, avec ses institutions et ses initiatives politiques et culturelles, de faire en sorte que cette mosaïque très riche compose des figures cohérentes » (2023).

Le front technologique
À une époque où chaque espoir est placé uniquement dans le progrès, les quelques personnes qui contrôlent les données et la technologie sont en mesure d’influencer l’économie et la finance et, par conséquent, les gouvernements et les instituions. Le développement technologique est crucial pour le futur de l’Europe et pour cela il faut poursuivre sur la route tracée par l’EU AI Act. Un ensemble de normes qui tentent pour la première fois de manière systématique de rééquilibrer un secteur hautement compétitif mais rarement normé. Il est ensuite nécessaire d’investir dans une formation professionnelle adaptée pour permettre aux entreprises de faire face aux défis énormes de l’intelligence artificielle et de la transformation digitale.

Dans ce contexte, il est fondamental que les élections européennes des 8 et 9 juin 2024, soient portées par des propositions politiques et des candidats qui ont d’abord à cœur un horizon idéal visant concrètement le bien commun de l’Europe, à commencer par un engagement indéfectible pour la paix entre tous les peuples et pour la dignité et la liberté de chaque personne.

Reprenant les paroles du pape François : « Quelle était l’inspiration du travail de construction progressif et patient d'une Europe unie, d'abord dans des domaines particuliers puis de plus en plus généraux ? Quel idéal, sinon celui de générer un espace où l'on pourrait vivre dans la liberté, la justice et la paix, en se respectant tous dans la diversité ? Aujourd'hui, ce projet est mis à l'épreuve dans un monde globalisé, mais il peut être relancé en puisant dans l'inspiration originelle, qui est plus que jamais actuelle et féconde non seulement pour l'Europe, mais pour toute la famille humaine » (2023).