Jérôme Lejeune

Une conscience pour la science d'aujourd'hui ?

À l’occasion des 20 ans de la mort du professeur Jérôme Lejeune, au collège des Bernardins une rencontre pour rappeler un homme et un médecin d'exception.
Marie Leclerc

Vaste sujet que celui qui a été abordé. En rappelant certains moments-clefs du parcours de Lejeune, nous découvrons un homme brillant, qui n’a fait que suivre les circonstances de sa vie, sans aucun calcul. En effet, Lejeune a toujours voulu être médecin. Une fois installé comme médecin généraliste, il se fait repérer par Turpin et est engagé à Trousseau pour travailler avec des enfants qu’on appelait alors des mongoliens. C’est en étudiant les lignes de la main de ces enfants qu’il a l’intuition que la maladie est présente très tôt lors du développement embryonnaire. Il oriente alors ses recherches dans ce sens, avec comme objectif de pouvoir guérir ses patients qu’il appelait les malades de l’intelligence (et non pas des retardés mentaux). Il se disait d’ailleurs « médecin par vocation et chercheur par nécessité de guérir ».
Les quelques résultats qu’il publie avec son équipe en 1959 ne font pas beaucoup de bruit dans le milieu de la recherche scientifique. Puis, à force de constater une différence du nombre de chromosomes sur des enfants malades, il est propulsé sur le devant de la scène internationale, reconnu comme le premier généticien médical, comme le premier à imaginer des réponses thérapeutiques à partir de la génétique.
C’est dans ce contexte de passion pour la recherche de l’après-guerre que sont réalisées de nombreuses découvertes et avancées scientifiques, dont l’amniocentèse. C’est une grande découverte pour Lejeune qui voit dans le diagnostic prénatal une possibilité de pouvoir guérir directement dans le ventre de leur mère les enfants atteints de maladies génétiques. Mais il se rend rapidement compte des dérives que comporte cette nouvelle technique associée à la découverte de la génétique.
C’est en 1969, lors d'une conférence aux National Institutes of Health à San Francisco que la vie de Lejeune bascule, lorsqu’il prononce cette fameuse phrase dans laquelle il joue avec les mots : « Voilà une institution pour la santé (National Institute of Health) qui se transforme en une institution de mort (National Institute of Death) ». Le soir même il écrit à sa femme : « Aujourd’hui, j’ai perdu le prix Nobel ».
Une perte au prix de ce qu’il revendiquera tout au long du reste de sa vie : la médecine et la recherche servent à guérir et non à tuer.

La question qui se pose alors est de savoir si un chercheur peut anticiper et avoir conscience des conséquences de sa découverte.
Le professeur Munnich et Monseigneur Suaudeau pensent qu’il est impossible de connaître les conséquences d’une découverte. De plus, tout objet ou fait remis à la liberté des hommes peut être utilisé pour le bien comme pour le mal.
Par ailleurs, on ne peut pas demander à un chercheur de s’autolimiter. Quand on cherche, on se donne tous les moyens nécessaires pour arriver à son objectif sans penser aux conséquences, des conséquences qui demeurent de toute façon théoriques tant que la recherche n’a pas abouti.
C’est pourquoi le Comité consultatif national d'éthique a été créé, pour aider les chercheurs à connaître et à comprendre les limites, pour les aider à avoir conscience de ce qu’ils réalisent.
Mais demandons-nous alors : que fait ou sur quoi se base la bioéthique quand on voit, entre autres, que la recherche sur les embryons est autorisée en France, et qu’il est moins cher de faire de la recherche sur les embryons humains que sur les primates ?!

Mais le fait de savoir qu’une découverte peut engendrer des conséquences négatives ne doit pas empêcher la recherche d’avancer. Même Lejeune donnait carte blanche aux chercheurs, avec cependant un objectif unique : celui de vouloir guérir et de respecter l’homme, de sa conception à sa mort, sans aucune exception.
Et pour guérir, il faut d’abord découvrir la maladie, lui donner un nom. Trouver un traitement est beaucoup plus difficile. La découverte de l’accident génétique (que ce soit la trisomie 21 ou de nombreux autres) a changé la perception que l’on avait des maladies génétiques, qui jusque-là étaient considérées comme héréditaires.
L’Agence de biomédecine indique que le nombre d’interruptions de grossesse a diminué pour les cas de fœtus atteints de maladies pouvant se guérir, ou pour lesquelles les recherches en cours permettent d’envisager un traitement. Mais dire à des parents que leur enfant ne pourra jamais être guéri : « Il ne vous reste plus que vos yeux pour pleurer » nous dit le professeur Munnich.
Mais cela justifie-t-il un avortement ? N’a-t-on vraiment que nos yeux pour pleurer ? Qu'est-ce qui peut donner un peu d’espoir ?

Nous vous invitons à regarder la retransmission de la soirée complète disponible sur le site du collège des bernardins : http://www.collegedesbernardins.fr/fr/audios-videos/fiche-media/jerome-lejeune-une-conscience-pour-la-science-d-aujourd-hui.html