Il y a l’histoire, avec quelques détails inédits, de cette nuit du 26 au 27 mars 1996, durant laquelle sept moines trappistes du monastère de Tibhirine, en Algérie, furent kidnappés et exécutés. Mais ce livre est, avant tout, le témoignage du père Jean-Pierre Schumacher, un des deux rescapés de cette tragédie, le seul encore en vie ; témoignage recueilli par le journaliste Nicolas Ballet au cours de plusieurs conversations. Le père Schumacher, qui a aujourd’hui plus de quatre-vingt-dix ans, témoigne : il a répondu avec simplicité et humilité à l’appel du Seigneur, en Bretagne d’abord puis, à partir de 1964, en Algérie où la présence des moines n’avait qu’un seul but : être « Eglise pour les musulmans sans la moindre arrière-pensée de prosélytisme et de néocolonianisme. Nous étions là comme Saint-Paul qui se faisait ‘juif avec les juifs et grec avec les Grecs’. Une simple présence d’Eglise, qui me semblait belle à cause de sa simplicité même. Le Seigneur agissait à travers moi ».
Au fil des années, de bons rapports se sont installés et des liens se sont créés avec la population musulmane ; une reconnaissance réciproque telle, que les habitants de la région appelaient Tibhirine « notre monastère ». Et, quand le père Aubin est mort, les voisins sont venus lui baiser le front pour lui rendre hommage. Dans les paroles du père Jean-Pierre revit l’œuvre du frère Luc qui tenait le dispensaire ouvert sept jours sur sept, autant pour les « frères de la montagne » (les fondamentalistes islamiques) que pour les « frères de la plaine » (les militaires). Esprit de fraternité et d’amitié au nom de ce Dieu unique qu’on priait et qu’on aimait. C’est ce même esprit que le père Jean-Pierre vit aujourd’hui dans le monastère de Notre-Dame de l’Atlas, à Midelt au Maroc, où il s’est retiré.

L'Esprit de Tibhirine
Jean-Pierre Schumacher et Nicolas Ballet
(Seuil)