Hors champ

Les expositions sont un rendez-vous incontournable du Meeting de Rimini. Cette année, elles nous feront explorer Tolstoï, l’archéologie, Péguy, la coopération internationale... jusqu'à la mer cosmique : pour aller au-delà des frontières habituelles.
Paola Ronconi

LES PÉRIPHÉRIES. Le Meeting de cette année tournera entièrement autour de ce mot qui, avec le pape François, a commencé à acquérir une dignité, souvent déniée auparavant, dans les débats culturels comme dans nos catégories mentales. Les périphéries matérielles et existentielles constitueront le fil-rouge des expositions du Meeting ; elles seront l'élément fondamental de la semaine riminaise.

L’ultime périphérie, ou plutôt la dernière frontière, c'est l'espace. Comme chaque année, au Meeting, la science aura une place d'honneur et, cette fois, les frontières reculeront jusqu'à l'univers : frontières de ce qui a déjà été ‘exploré’, à savoir ‘directement expérimenté’. L’exposition “Explorers” sera consacrée à l'exploration - et non pas à l'observation - de l’univers, ce qui n'est pas la même chose. C'est même aussi différent qu'observer de loin une chaîne de montagnes, et en escalader un sommet. Nous serons invités à découvrir cette ‘petite’ portion d'espace, pourtant infiniment plus grande que notre planète et correspondant à notre Système Solaire, le seul petit morceau de mer cosmique, jusqu'ici sillonné par l'homme. On pourra donc partir de la Terre et rejoindre les frontières extérieures du Système Solaire, à bord de la sonde spatiale virtuelle Voyager 1. Il sera possible, en outre, de se projeter dans le futur, à la découverte des plus récentes missions de l’Agence Spatiale Européenne (ASE). Tout cela, pour opérer ensuite un retour, « en ayant mieux conscience de la beauté, de l'étendue et de la diversité de la création qui nous entoure, jusqu'à la structure de notre moi, de notre nature humaine ».

AU DEDANS DU TEMPS . « Les lieux les plus pauvres de notre planète » sont les premiers auxquels on pense, quand on parle de ‘périphéries’. Ce sont les zones du monde où la misère, la faim, la guerre ont le dessus, surtout pour les catégories les plus fragiles de la population. Comment peut-on intervenir, aider, redonner de l’espoir ? C'est la question à laquelle l'AVSI (Association de bénévoles pour le service international) essaye de répondre, jour après jour, depuis plus de 40 ans, en menant des actions de coopération dans le Sud du monde et dans l'Europe de l'Est. L'exposition “Aux périphéries du monde - Dignité et développement” nous aidera à comprendre comment, face à ces défis, la foi peut être un facteur déterminant. A travers trois situations réelles (en Équateur, au Brésil et au Kenya), l'exposition fera émerger une manière d'approcher les problèmes, pour que la personne en difficulté puisse reprendre conscience de sa dignité, parvenir à un rachat social et développer une compréhension de sa propre condition, qui l'amène à un changement réel.

Le passé a une importance qui perdure. Mais, pour le comprendre, il est nécessaire de l’examiner en profondeur. Voilà pourquoi l’exposition “Des profondeurs du temps : à l'origine de la communication et de la communauté” amènera les visiteurs à voyager du paléolithique au néolithique, dans des zones de fouilles archéologiques en Géorgie (à Dmanisi) et en Syrie (à Urkesh). Trois étapes marqueront le parcours – perception, langage, écriture – pour répondre à cette question : quel est le lien solidaire qui maintient l'unité des groupes humains ? Un exemple, parmi tous ceux qui seront proposés : l'analyse d'un crâne appartenant à une forme précoce d'homo erectus. Bien que privé de dents, cet homme a été capable de survivre plusieurs années, avant de mourir. Des études prouvent que cela n'a été possible qu’avec l'aide d'autres individus. Sommes-nous ici confrontés à la première preuve, connue au monde, d'actes de générosité, ou caritas ?

Le 5 septembre prochain, ce sera le centenaire de la mort de Charles Péguy. C'est donc l’occasion de faire connaître cet écrivain catholique, si cher à don Giussani ; c'était un homme de génie, qui réussit à saisir l'événement chrétien dans toute sa portée. “Histoire d'une âme charnelle” initiera le visiteur à la connaissance de ses œuvres, à travers les étapes de sa courte vie (fantassin, il mourut à l'âge de quarante ans durant la Grande Guerre, au cours de la première bataille de la Marne), et sera aussi une véritable rencontre avec Péguy. L'exposition s'articulera en effet sur quatre étapes, avec la mise en scène de moments-clés de la vie de cet écrivain, et des lectures qui permettront de se reconnaître dans les textes. Enfin, on pourra suivre une vidéo-interview inédite du philosophe français Alain Finkielkraut.

UN ÉCHEC ? L’appel du Pape François invitant les chrétiens à s'ouvrir à la rencontre de l'autre, à témoigner de l'espérance chrétienne dans toute ‘périphérie’, a été l'étincelle qui a ‘amené’ Léon Tolstoï au Meeting 2014. La déchirante demande de sens de cet écrivain russe, et l'Église de son temps sont dramatiquement liées et posent de grandes questions à la conscience chrétienne d'aujourd'hui. Tolstoï, c'est le symbole du ‘monde’ assoiffé d'une réponse que, trop souvent, il n'arrive pas à trouver dans les structures ecclésiastiques de son temps, trop soucieuses de défendre une tradition et des règles. L’exposition “Tolstoï : le cri et la réponse”, un parcours en cinq sections, s'ouvrira avec Le dialogue de l’Antéchrist de Vladimir Soloviev. Qui, encore aujourd'hui, en écoutant l'Antéchrist offrir aux chrétiens une hégémonie culturelle et politique, et affirmer les valeurs chrétiennes dans la société, ne serait pas tenté de croire que le Règne de Dieu sur terre s'est réalisé ? Tolstoï mourut en 1910. Sept ans après, en 1917, la Russie tout entière s'embrasait dans la Révolution d’octobre : c'était une tentative pour traduire en actes le projet de l'Antéchrist de Soloviev. Est-ce que ce fut un échec, finalement ? En réalité, les jeunes générations, frappées par le défi de Tolstoï, commencèrent à se poser des questions. Dans le climat d'incertitudes de la Russie du début du XXe siècle, elles expérimentèrent le côté raisonnable de la foi, celui qu’avait indiqué le starets Jean au petit groupe de ses compagnons : la Présence vivante du Christ.