La « petite vie » d'une sainte amoureuse

En 1986, le film d'Alain Cavalier sur Thérèse de Lisieux est récompensé au Festival de Cannes. Le film raconte l’histoire de Thérèse et ce grand amour qui l'a accompagnée jusqu'au bout : « Il m'a choisie. Que veux-tu que je fasse ? »
Luca Marcora

« Thérèse Martin entre au carmel de Lisieux avec ses trois sœurs à la fin du XIXe siècle. Elle est gaie, ouverte, idéaliste. Les réalités du couvent, son désir de perfection, la mort de son père, les privations et la manque de soins altèrent sa santé. Elle lutte à la fois contre la souffrance physique et l'épreuve de la foi. En 1987, elle meurt de la tuberculose alors qu'elle n'a que vingt-quatre ans en laissant un cahier où elle raconte sa "petite vie". Il est traduit dans le monde entier. Sa tombe devient un pèlerinage. Elle est canonisée en 1925. »

C'est en ces termes que le réalisateur Alain Cavalier parle de la protagoniste de son film, lequel a été récompensé par le Prix du jury à la 39e édition du Festival de Cannes. Une description dépouillée et essentielle de la vie de sainte Thérèse de Lisieux, interprétée par l'actrice débutante Catherine Mouchet, à l'image du style de ce film qui émeut encore aujourd'hui par la force avec laquelle il arrive à montrer la réalité concrète du sacré, à travers « la simplicité d'une narration qui n'exclut pas l'agréable beauté d'une mise en scène attentive au moindre geste, à un rire inattendu et irrésistible, ou à un voile de tristesse qui se pose lors des rencontres entre les personnages isolés sur un fond neutre » (J. Sadoul). Un style qui trouve en Dreyer et en Bresson ses plus évidents inspirateurs.

« Entre des scènes très courtes, souligne Alessandro Cappabianca, entrecoupées de photos en noir et blanc (et sans musique), des personnes et des objets se dessinent avec l'authenticité aveuglante du réel : aucun mysticisme, pas de climax dramatique ». Et c'est justement cette authenticité qui a touché la critique Marina Warner, qui a présenté en 1987 le film à la télévision britannique en ces termes : « Aucun film n'a jamais transmis de façon aussi prenante la communion avec Dieu, le plaisir intense qu'une sainte comme Thérèse éprouvait dans son intimité avec Jésus, la privation qu'elle a connue quand Il semblait être absent, et le réconfort et l'affection de jeunes femmes isolées ensemble ».
En effet, Thérèse, par son authenticité désarmante, raconte simplement une histoire d’amour : l'histoire d'une jeune fille complètement prise par le Christ (« Je suis amoureuse de Jésus. Je l'épouserai. Il m'a choisie. Il me tend les bras. Il me fait la cour. Que veux-tu que je fasse ? Je voudrais prier, sauver beaucoup de personnes pour Lui ») ; elle est si déterminée que rien, pas même le pape Léon XIII, ne peut l’empêcher d'entrer très jeune au Carmel, où deux de ses sœurs vivent déjà. Un amour exalté par plusieurs extraits du Cantique des cantiques, qui relatent la force d’attraction si puissante de cette Présence (« Je dors mais mon cœur veille. C'est la voix de mon bien-aimé ! Il frappe. Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, mon immaculée »), mais aussi la nostalgie déchirante que provoque Son absence (« J'ouvre à mon bien-aimé, mais mon bien-aimé avait disparu, il avait fui. J'étais hors de moi quand il me parlait. Je l'ai cherché, et ne l'ai pas trouvé. Je l’ai appelé, il ne m’a pas répondu. Les gardes m'ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville. Ils m'ont frappée, ils m'ont meurtrie. Ils m'ont enlevé mon manteau, ceux qui gardent les murailles »).

« Je Te donnerai ma vie, Seigneur, dit Thérèse juste après son admission au Carmel. Je suis Tienne pour toujours. Je ne suis qu'une paysanne ignorante… Aide-moi à faire le bien, à aider les autres… Pour Te rendre heureux. J'aimerais déjà être là-haut avec Toi, Te voir. » Comme lui dit sœur Lucie : « Nous sommes vraiment deux folles ! Nous sommes amoureuses de Quelqu'un qui est mort il y a 2000 ans de cela ». Qui est mort, mais aussi ressuscité : et c'est pour cela qu'on peut Le rencontrer dans le présent, au point de L’aimer follement. Aujourd'hui encore.

Thérèse (1986) d’Alain Cavalier
avec Catherine Mouchet, Aurore Prieto, Sylvie Habault, Ghislaine Mona, Hélène Alexandridis, Clémence Massart, Nathalie Bernart, Jean Pelegri, Armand Meppiel, Pierre Maintigneux
DVD San Paolo Audiovisivi