L'espace intérieur du silence

L'exposition des 70 tableaux de Stéphanie de Malherbe au château de Tours (25 avenue André Malraux, 37000 Tours) visitable tous les jours de 14h à 18h sauf le lundi, jusqu'au 22 novembre (fermé le 1er et 11 novembre)
Mathilde Gaussin

Je suis allée voir les 6 salles des 70 tableaux (dessins et peintures) de l'exposition « L'espace intérieur du silence » de Stéphanie de Malherbe au château de Tour et j'en suis ressortie grandie, éclairée.

La beauté d'un quotidien silencieux est ici déclinée avec des formes et des couleurs très variées, riches de la vision des peintres du passé. Et nous sommes en bonne compagnie ! Stéphanie nous rappelle la richesse poétique de Klimt, ou le calme silencieux du quotidien de Bonnard. Ainsi, ses filles, dessinées avec virtuosité, rêvent sur des fauteuils confortables, ou bien sont vues de dos, face à un paysage calme et tranquille. Son couple est aussi poétiquement suggéré avec un clin d'oeil à l'Angélus de Millet dont une version tout à fait extravagante nous montre la famille avec les quatre enfants soutenue par des amis bien serrés malgré la présence éteinte d'autres personnes indifférentes, tout cela sous le regard bienveillant de Dieu. Parfois la couleur éclate, vibre, gronde, telle la palette exotique de Gaughin - Stéphanie a vécu 11 ans au Mexique et 5 ans en Espagne - ou encore parfois elle explore des monochromies poétiques et silencieuses, rappelant plutôt l'univers plus grave et onirique de Gustave Moreau. Chacun de ses personnages semble investi d'une vibration qui lui est propre, et beaucoup d'entre eux sont vus de dos, faisant ainsi penser à Caspard David Friedrich, mais avec cette différence qu'aucune nostalgie ne porte les personnages qui regardent au loin, car ils semblent au contraire vibrer d'un émerveillement gratuit.

Stéphanie atteint donc une beauté rare dans l'art d'aujourd'hui, beauté qui est le signe d'une foi profonde, foi qui émane d'elle et de sa famille unie par un amour juste et vrai. Chez eux, tout jaillit calmement avec beauté. La peinture de Stéphanie met en forme et en couleur l'équilibre des relations authentiques et humbles, où chaque personnage peut être lui-même, peut s'évader dans l'univers poétique qui lui appartient. C'est pourquoi elle réalise de nombreux portraits qui touchent le cœur, car la personne est saisie dans son désir de vie. Même la nature est criante d'une beauté qui en nomme l'origine. Je pense particulièrement à une série sur des arbres qui évoque l'émerveillement des saisons froides que Stéphanie a redécouvert avec bonheur à son retour en France il y a cinq ans, et d'autres tableaux où l'hiver est présent avec un regard aussi neuf que celui d'un enfant qui le découvre pour la première fois.

Le travail de Stéphanie est donc rare et surprenant car il touche du doigt l'invisible dans le quotidien. C'est elle qui m'avait parlé de la lettre du pape Jean-Paul II aux artistes, et ce qui se passe dans ses 6 salles du château de Tour retrace à merveille ce que suggère le pape dans sa lettre.