Belle rencontre autour de l'affiche de Pâques 2017

Le désir d'une attention plus profonde à l'affiche de Pâques est à l'origine de cette rencontre du jeudi 6 avril, pour nous préparer ensemble à vivre la Semaine Sainte.
Roselyne

Revenant de Florence, j'ai assisté avec intérêt à la présentation de l'affiche de Pâques.

Émerveillement, de me retrouver devant cette fresque du 'Sermon sur la montagne' de Fra Angelico, que j'avais découverte, quarante-huit heures auparavant, sur le mur d'une cellule du Couvent San Marco.
Et enchantement, de voir cette peinture illustrer un magnifique poème de Charles Péguy.

Nicolas Faguer, auteur d'une thèse de Doctorat en Littérature, intitulée Un constant approfondissement du cœur. L’unité de l’œuvre de Péguy selon Hans Urs von Balthasar, avait accepté de se joindre à nous pour nous éclairer sur la pertinence du texte de l'affiche, à la lumière de l'itinéraire de Péguy.

En quelques mots, Nicolas nous trace le portait de Péguy (1873-1914). Ecrivain français, c’est aussi un intellectuel engagé : après avoir été militant socialiste, anticlérical, puis dreyfusard au cours de ses études, il se rapproche à partir de 1908 du catholicisme et du nationalisme.
C'est un personnage paradoxal, nous dit-il, mais dont ‘le cœur a suivi un cheminement linéaire’. 'C’est par un approfondissement constant de notre cœur', écrivait Péguy, 'et nullement par un rebroussement que nous avons retrouvé la voie de la chrétienté'.

Le texte de l'affiche est extrait du Porche du Mystère de la deuxième vertu, écrit en 1911.
Le Porche du Mystère signifie que nous ne faisons qu’approcher ce Mystère et ‘la deuxième vertu’ est l'Espérance.

Dans l'œuvre, Péguy compare les trois vertus théologales, la Foi, l'Espérance et la Charité, à trois sœurs qui se donnent la main. L'Espérance est la plus petite, qui passe inaperçue entre ses deux sœurs. C’est une petite fille 'qui n'a l'air de rien du tout', mais 'c'est cette petite qui entraîne tout', qui guide les deux autres vertus.
Symbolisée par l'enfance, l'Espérance est celle qui voit au-delà du présent, celle qui avance dans l'innocence, avec assurance vers l'avenir.
Péguy considère l'Espérance comme 'la plus difficile et la plus agréable à Dieu', la Foi comme la Charité étant facilement accessibles aux hommes.
'La foi que j'aime le mieux, dit Dieu, c'est l'Espérance'.
Mais l'Espérance induit obligatoirement la dépendance car celui qui espère en quelqu'un, dépend de lui. Or, ce n'est pas seulement nous qui dépendons de Dieu, mais aussi Dieu qui dépend de nous car nous sommes libres!

L'Espérance, c'est aussi Dieu qui espère en nous : voilà le 'miracle des miracles', le 'mystère des mystères' : la réciprocité de notre dépendance, de notre Espérance !

Tommaso Borghesi et Marie-Michèle Poncet nous proposent alors une étude attentive de la fresque du 'Sermon sur la montagne' de Fra Angelico.

Tommaso resitue l'emplacement de la fresque dans le Couvent : au premier étage, dans la cellule 32. Les cellules sont des pièces minuscules, destinées autrefois, non seulement au sommeil, mais aussi à la méditation et à la prière individuelle des frères. La clarté du jour parvient par une petite fenêtre. Il situe ces cellules par rapport au scriptorium et au cloître, ainsi qu’à l’ensemble du couvent et des déplacements des frères. Il insiste sur le fait que nous voyons toujours ces œuvres, là où elles ont été peintes vers 1435, dans l’ensemble de leur contexte architectural.

Nous pouvons imaginer que la méditation des frères était guidée par la fresque de leur cellule, qui représentait un épisode de l'Histoire du Christ et que cette méditation imprégnait leur vision sur le monde extérieur, que leur offrait l’ouverture de la petite fenêtre, juste à côté.

Marie-Michèle souligne que l'œuvre, fresque peinte à même le mur, épouse la forme arrondie de la voûte de la cellule. Cette courbe est soulignée par un nimbe blanc, comme une aurore. Elle amplifie l'organisation circulaire de la fresque. Nous sommes invités à faire cercle autour de Jésus pour l’écouter.
Assis sur la roche nue de la montagne, Jésus parle aux apôtres. Il pointe le doigt vers le ciel, d’où vient ce qu’il annonce : ‘Bienheureux….’. L'auréole sombre distingue le traître, Judas, tandis que Saint Pierre est le seul à nous faire face et à nous regarder.
Les drapés des personnages répondent au relief du rocher : nous sommes invités à venir à l’écart, sur cette montagne, où tout est signe du mystère de ces paroles prononcées, qui appellent notre silence pour les entendre toujours.

Le lien entre la fresque de Fra Angelico et le poème de Péguy devient alors évident.

Le ‘sermon’ condense l'essentiel de l'enseignement de Jésus.
Le Christ est venu, a pris le risque du temps, pour nous confier les paroles éternelles.
Il dépend maintenant de nous, infirmes, d’accueillir ces paroles, de les faire vivre, de les nourrir et de les transmettre.
C’est notre responsabilité, car tout dépend de nous et, en même temps, cette mission nous révèle à quel point Dieu a confiance en nous !
Miracle des miracles, mystère des mystères !

Je laisserai au Père dominicain et artiste, Alain-Marie Couturier, le mot de la fin, lorsqu’il disait : ‘Les artistes sont les témoins de l’Invisible’.