Eugène Burnand, "Autoportrait", 1915

La course, le matin, et la pupille

Eugène Burnand, auteur de l'image de l'Affiche de Pâques de CL. Suisse, protestant, pensait que le christianisme pouvait donner à l'art ce qui lui manque le plus. Il se réveillait à l'aube pour retrouver la juste lumière dans la pupille de son modèle
Giuseppe Frangi

Eugène Burnand, dans une lettre de 1897, résumait ainsi son credo artistique : « Le mysticisme, pour moi, consiste plus dans l’intensité et la profondeur de la vision que dans l’imagination abandonnée à elle-même. Je suis réaliste par nature et par destin ». Ce souci de la réalité est à la base de la méthode suivie pour réaliser l’œuvre dont le titre complet est le suivant : « Les disciples. Jean et Pierre qui courent au sépulcre au matin de la résurrection ».

La course et le matin sont en effet deux éléments cruciaux. « Je me lève à l’aube pour étudier dans le scintillement de l’œil de mon modèle le reflet ardent du soleil qui se lève à l’horizon », écrit-il dans une lettre à son ami Paul Robert. Puis il explique que dans la « condensation lumineuse » convergent le sens théologique, le réalisme atmosphérique et le respect chronologique du moment dans lequel ce fait s’est produit. La lumière du soleil levant brille en effet, particulièrement dans la pupille grande ouverte de Pierre : c’est un des détails les plus beaux de l’œuvre.

Les disciples Jean et Pierre courant au sépulcre le matin de la Résurrection, 1898

Et puis il y a la course : tous deux sont en train de courir, comme le suggère l’inclinaison des corps vers l’avant ainsi que l’air qu’ils semblent fendre et qui emmêle leurs cheveux. Ils laissent derrière eux les trois croix, petites et loin à l’horizon, pour courir embrasser cette espérance inattendue. Ils sont encore incrédules, emplis d’une stupeur à la limite du désarroi (qui rend la stupeur encore plus vraisemblable). Il y a là un jeune homme et un adulte que Burnand a essayé de peindre en respectant également les caractéristiques anthropologiques des Palestiniens de ce moment-là de l’histoire. Ce sont des personnes simples (regardez les mains de Pierre) dont les visages sont définis par ce qu’ils sont en train de regarder.