Russia Cristiana. Être chrétien au temps des particularismes

Le congrès annuel du centre d’études sur le thème " Universalité et histoires particulières. La vocation de l’Église ". Don Francesco Braschi: « Ce qui se passe en Europe, autant chez les orthodoxes que chez les catholiques, est un défi pour notre foi »
Luca Fiore

"Universalité et histoires particulières. La vocation de l’Église" est le thème qui a été choisi pour le congrès annuel de Russia Cristiana, qui s’est tenu près de Bergamo du 11 au 13 octobre 2019. Le père Francesco Braschi, président du centre d’études, explique : « Cet ensemble de conférences naît du constat que, dans la vie de l’Église - tant orthodoxe que catholique - on remarque des replis particularistes qui ressemblent beaucoup à ce qui se passe dans le reste des sociétés européennes. On remarque le désir de revenir à des souverainismes et le refus de la dévolution du pouvoir local en faveur d’organismes supranationaux »

« Des histoires comme celle de l’église orthodoxe en Ukraine, mais aussi au Monténégro et en Moldavie semblent reproduire, sur le plan de la vie chrétienne, les questions relatives au rapport existant entre l’appartenance particulière à une réalité nationale ou culturelle d'une part, et de l'autre la conscience du partage d’une expérience universelle comme celle de l’Église », continue le père Braschi. « Cependant, si d’un côté les questions de l’Église font écho aux dynamiques sociales, il est d’un autre côté impossible de se limiter à ce niveau pour les comprendre. Il faut, selon nous, arriver à la question profonde que ces dynamiques posent à l’autoconscience chrétienne. Que signifie pour un fidèle comme moi ce retour à des logiques particularistes ? ». Le président de Russia Cristiana fait remarquer que dans le contexte orthodoxe cette dynamique s’exprime de plus en plus comme une confusion entre patriotisme et identité ecclésiale, tandis que chez les catholiques on court le risque de réduire l’appartenance à l’Église à l’adhésion à un courant spécifique.

« Pour aider à cette réflexion » affirme le père Braschi « nous avons organisé le travail du congrès sur trois grands axes de discussion. Le premier s'est occupé de la narration de certaines expériences historiques, qui montrent la cohabitation entre identité nationale et dimension universelle. C’est le cas, par exemple, de l’exarchat des Églises orthodoxes de tradition russe dans l’Europe occidentale, né après la révolution russe de 1917. Cette réalité était présente en France, Italie, Pays Bas et Grande Bretagne et rassemblait les meilleurs penseurs de la diaspora russe. Elle a permis une fécondation réciproque des traditions orientales et occidentales. Il suffit de penser à combien Yves Congar, Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar ont été enrichis par la rencontre avec cette expérience. Le père Alexis Struve, recteur de la plus ancienne paroisse orthodoxe de Paris, en a parlé ». Le deuxième axe de discussion a été dédié à la reconnaissance de la valeur de ces Églises qui se sont trouvées, même récemment, en grande difficulté, aussi à cause de leur éparpillement sur de grands territoires de différents pays. C’est à partir de ces souffrances qu’elles ont su développer une nouvelle vision. « Nous avons invité le père Ibrahim Alsabagh, d’Alep, ainsi que Andreij Siskov, qui ont parlé de la réflexion de père Alexandre Schmemann ». Le troisième axe de discussion s' est penché sur « la récupération de certains courants de pensée de grands auteurs de la tradition orthodoxe (comme le père Sergueï Boulgakov ou Vladimir Soloviev), qui peuvent nous aider à comprendre en profondeur l’expérience chrétienne ». Le père Braschi a aussi contribué au débat par une intervention sur « la lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi Iuvenescit Ecclesia, car elle me semble donner une perspective intéressante sur le rapport particulier entre les charismes individuels et l’universalité de l’expérience de l’Église. »

Depuis quelques années le congrès se déroule en concomitance avec l’anniversaire du fondateur de Russia Cristiana, le père Romano Scalfi (12 octobre 1923- 25 décembre 2016). « Nous lui avons rendu hommage en organisant un concert de la chorale Coro Cet qui a interprété des chants alpins. Lui, qui était originaire du Trentin, aimait beaucoup ces chants. Par ailleurs, le congrès s’est conclus après la Divine Liturgie avec un pèlerinage sur sa tombe, un geste d’affection et de mémoire pour l’importance de son magistère ».