La caresse de l'Enfant Jésus
La petite main posée sur la tête de l'un des Mages prosternés pour l'adorer. C'est le cœur de l'image choisie pour l'Affiche de Noël de Communion et Libération de cette annéeL’Enfant pose sa petite main sur la tête chenue du roi agenouillé à ses pieds : c’est le détail qui nous frappe et nous émeut le plus dans cette représentation de l’Adoration des Mages peinte par un maître anonyme vers 1330 au Sacro Speco de Subiaco. Nous nous trouvons dans la chapelle de la Vierge, un élément architectural ajouté au début du XIVe siècle à l’extraordinaire complexe construit autour de la grotte habitée par saint Benoît pendant les années de son ermitage, entre 497 et 500. Les murs sont entièrement recouverts de fresques, avec les Histoires de Marie par deux maîtres de culture très proche, que des études récentes rattachent à l’école ombrienne : en effet, le prieur du monastère du Sacro Speco dans les années précédant la grande peste de 1348, Giovanni, était originaire de Pérouse. Sur le mur à droite de l’autel, sous une représentation de l’Annonciation, nous trouvons en séquence logique deux panneaux avec la Nativité et l’Adoration des Mages. Tous deux sont placés sous la protection d’un dais, soutenu par de minces piliers de bois : presque une métaphore du ciborium qui, dans de nombreuses églises, médiévales notamment, couvre et protège l’autel et donc le lieu où le Christ se rend physiquement présent par l’Eucharistie.
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L’artiste anonyme de Subiaco a en tête un prototype précis : celui de la chapelle des Scrovegni de Giotto qui, dans les panneaux relatifs à la Nativité, érige un humble petit temple devant l’ouverture de la grotte. Moins de trente ans s’étaient écoulés depuis l’achèvement du chantier padouan, mais la nouveauté de ce chef-d’œuvre était manifestement telle qu’il est rapidement devenu viral. Le maître de Subiaco avait certainement eu connaissance de la solution imaginée par Giotto pour l’Adoration des Mages, car dans la chapelle de la Vierge, il l’a reproduite en pivotant la scène de 180 degrés. C’est du panneau de Padoue que provient l’idée que le roi le plus âgé s’agenouille et embrasse les pieds de l’Enfant, tenu dans les bras par Marie. Celle-ci est surélevée car elle est assise sur un trône invisible pour nous : une ligne diagonale est ainsi tracée, qui unit les trois personnages de la scène. Dans sa simplicité, le Maître de Subiaco accentue ce motif par une vue plus profilée. L’effet est celui d’un tout, où les mains fonctionnent comme de tendes liens entre les personnages. En partant du bas, celle du Roi, qui porte le pied de l’Enfant à sa bouche pour l’embrasser ; puis celles de l’enfant Jésus qui, de sa main droite, laisse entrevoir un geste de bénédiction et, de sa main gauche, caresse la tête du Roi ; enfin, celles de la Mère qui tient l’Enfant et en même temps semble le caresser.
Les grands prototypes le sont aussi parce qu’ils laissent toujours un espace de liberté à ceux qui les reproduisent. C’est ce qui se passe dans le passage de cette image de Padoue à Subiaco, où le Maître anonyme ajoute l’élément des gestes de l’Enfant, alors que Giotto avait présenté le petit Jésus complètement enveloppé de langes, corps réel et solidement présent. Face à la fermeté de ce modèle, l’Enfant semble ici s’inscrire dans l’espace de la fresque avec une grâce toute gothique. Mais comme le Maître a laissé ses mains libres, il peut nous émouvoir par ce geste inattendu, tendre et simple. Nous pouvons y voir une première expression de son sentiment de pitié, qui embrasse tous les hommes, mêmes les rois, et dont parle don Giussani dans le passage qui accompagne cette image.