Claudia Piccinno avec son mari (à droite) et don Paolo Bargigia (à gauche)

République Tchèque. Quand tout change

Les mots d’un article, une nouvelle vie à l’étranger, un mari et des enfants que l’on pense bien connaître… Claudia raconte ce qui, dans son expérience, permet d’affronter les multiples défis de la vie (Issu de la revue « Tracce », juin 2019)
Paola Ronconi

« Un mardi de mai sur le site de CL, l’article sur l’assemblée des responsables européens à Cracovie commençait avec ces mots : ‘‘La fatigue du quotidien, l’aridité qui revient toujours’’. ça m’a foudroyée ! Mais comment ? Il y a eu les Exercices de la Fraternité, il y a eu Pâques, mais l’étoffe de la vie est toujours la même ! » Exactement comme Don Carron avait expliqué à Rimini : tu vis un moment fatigant (A). Tu rencontres quelque chose qui te secoue et te fait faire un pas en avant (B). Mais ça dure peu et tu te retrouves comme avant (A).

Claudia Piccinno n’était pas à Rimini, elle a tout suivi depuis Esztergom, Budapest. Elle vit depuis cinq ans à Prague, avec son mari et ses deux enfants. Une vie dans CL, depuis qu’en 1985, à Florence, elle a rencontré le père Paolo Bargigia sur les bancs de l’école. Avec cette nouvelle vie à l’étranger « j’ai du tout changer », ce qu’elle raconte aujourd’hui, avec un accent florentin que le tchèque n’a pas atténué. « Laisser mon travail d’avocate, m’occuper de mes enfants à temps plein, me mettre à étudier une langue difficile… » : Les choses normales, quotidiennes, deviennent compliquées lorsque même acheter du pain est une épreuve. Mais « je veux être heureuse , dans les situations banales de la vie », dit-elle.

Une des lettres lues par Carrón aux exercices au cours de la leçon du samedi matin était la sienne. « Comment est-ce que tu résistes, ô Christ, dans mon mariage, avec les amis, dans le rapport avec nos enfants qui grandissent, dans les défis de la vie quotidienne, dans les peurs qui m’assaillent, dans les choses qu’avant j’aimais faire et qui, maintenant, me laissent indifférente ? » avait écrit Claudia. Et elle avait mentionné son amie atteinte d’un cancer qui lui avait confié : « Dans mon mariage, je m’attends encore à ce que Dieu fasse arriver de grandes choses ». Claudia, au contraire, disait : « Je me suis rendue compte que dans "mon beau mariage où tout va bien", ces grandes choses que Dieu pouvait faire je ne les attendais plus beaucoup ». Mais, raconte-t-elle, la reprise d’un « chemin tenace » (mots de Don Giussani lors de la journée de début d’année) les a convaincus, elle et son mari, à commencer à participer à l'action caritative à Prague, auprès des malades d’un hôpital.

Ces deux heures par mois ont remis « Jésus entre nous » : «  Mon mari et moi sommes très différents et, plus les années passent, plus je me rends compte qu’à vrai dire, je ne sais pas « qui il est ». Nous sommes ensemble, nous sommes mariés, mais chacun a un rapport personnel avec le Seigneur. Etaler de la crème sur la peau fragile des malades nous a rendus conscients de notre désir commun de suivre le Christ à travers la compagnie qu’Il nous a fait rencontrer il y a quelques années ».

Les Exercices, ainsi que l’article sur Cracovie (« regardez quelle espérance est en vous », disait Carrón) l’ont remise au travail. « Ils ont illuminé ce qui m’est arrivé ensuite ». Durant l’après-midi de ce même mardi, elle assiste aux réunions de classe de ses deux enfants. « L’enseignante de 6ème nous dit à moi et aux parents des deux pires élèves de la classe de rester à la fin de la réunion. Moi, je m’y étais rendue en pensant qu’il n’y avait aucun problème… Ils nous disent : « Ces trois-là se moquent lourdement d’une fille de leur classe depuis quelque temps, on frôle le harcèlement scolaire. Nous les avons envoyés chez le directeur, nous avons convoqué le psychologue, c’est une sale situation, ils risquent d’être suspendus  » Claudia sent qu’elle s’écroule : « Tu crois bien connaître tes enfants, et découvre qu’ils n’ont rien à voir avec toi. Qu’est-ce que j’ai pu apprendre à ce garçon… avec toutes les tentatives à ne montrer que le bien ». Elle pense à ce qu’elle a entendu à Rimini, à ces pages sur lesquelles elle est en train de travailler avec l’École de communauté et où elle avait lu dans l’introduction : « Plus je cherche le contrôle, plus je garde pour moi, et moins Il sauve, moins Il ressuscite. Je sais que je dois apprendre à offrir justement ce qui fait le plus mal, ce que je ne peux pas ajuster et que j’arrive au mieux à cacher, comme on fait avec la poussière sous le tapis ».

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Là, à l’école, au milieu des mamans des « pires élèves », un flash : tout ce que l’on vit est « l’occasion pour être plus familier avec Toi, ô Christ, et , en cet instant, Il est ressuscité pour moi. J’ai écouté les enseignants, j’ai dit ce que je devais dire ; et, une fois à la maison, nous l’avons vivement réprimandé, mais j’ai pu le regarder dans son entièreté et pas uniquement pour l’erreur qu’il avait faite, parce qu’un Autre le regardait à travers moi. J’étais en paix. Le soir, j’ai dit : La voilà, ‘‘l’espérance qui est en moi’’. Elle est là : et c’est la possibilité d’être en relation avec Lui, d’être en attente de Le voir ressusciter ». À chaque moment.