« Qui est-tu, Jésus ? »

La réalité qui semble contredire le désir du cœur. La douleur visible partout et le mystère de la réalité qui échappe à la capacité de compréhension. Mais un geste simple vient réveiller l’humanité d’Alberto, et une demande surgit.

Peut-être parce qu’en ce moment tout est plus calme et que je suis moins distrait, il y a quelques jours, il m’est arrivé un fait qui m’a provoqué profondément, comme cela ne m’arrivait pas depuis longtemps.

J’ai profité du silence à la maison, pendant la sieste de l’après-midi des enfants, pour lire le texte de Carrón : Le réveil de l’humain. Les premières pages m’ont dérangé : je ne croyais pas avoir vécu "dans une bulle". Même si je sens avoir eu beaucoup de chance dans la vie qui m’a été donnée, j’ai aussi dû m’appliquer beaucoup et traverser des moments difficiles.

Je continue à lire avec l’hypothèse qu’il est en train de parler de quelque chose que je ne comprends pas pour le moment, et j’arrive au point du texte où une infirmière parle du drame du coronavirus : d’une part les malades qui sentent approcher leur mort et ne peuvent pas avoir à leur côté les personnes chères ou leurs amis ; de l’autre, les personnes de la famille qui sont informés de la mort de leurs proches sans pouvoir être là pour les accompagner en ce moment si mystérieux de la vie. Le même drame était raconté dans des reportages que j’ai vu à la télé : je me souviens en particulier d’une jeune femme qui pleurait la mort imprévue de son père de 60 ans et qui devait rester loin de sa mère pour éviter la propagation du virus. Je me mets dans sa peau et dans mon cœur éclate une question : « Pourquoi tout cela, qui semble aussi contradictoire avec les désirs du cœur, arrive-t-il ? » Même si je ne vis pas de manière directe cette circonstance, cette question m’a provoqué depuis le début de l’épidémie, et à cela je ne sais pas donner de réponse.

Dans son texte, Carrón cite l’épisode de l’Évangile de la veuve de Naïn dont l’enfant vient de mourir. Comment le Christ peut-il lui dire : « Femme, ne pleure pas ? » Voilà ma question. Qui en entraîne une autre : est-ce qu’il existe aujourd’hui quelque chose de réel qui peut permette à un cœur blessé par une telle douleur de ne pas pleurer ? Aujourd’hui, le Christ n’est pas là en chair et en os, et nous ne voyons pas non plus ressusciter les personnes devant nos yeux. La présence du Christ est-elle vraiment aussi réelle au point de consoler le cœur ? Une lettre d’une autre fille décrit exactement le même drame : elle vient de perdre sa mère. Je n’arrive pas à comprendre comment elle peut dire : la douleur est là, mais aussi la gratitude. Le père, à l’inverse, semble ne pas avoir le même espoir. Est ce qu’il y a quelque chose qui sauve dans une circonstance pareille ?

Je sens tout le drame de la vie, le mystère de la réalité qui échappe à ma capacité de compréhension, et je fonds en larmes avec une grande question : ce désir aussi grand de bonheur que nous avons dans le cœur pourra-t-il trouver son accomplissement ? Ou son destin est-il de se heurter à une douleur qui a le dessus sur lui ?

À cet instant même, ma fille de 5 ans entre dans ma chambre. J’ai les yeux fermés pour ne pas montrer mes larmes et je fais semblant de dormir. Elle pose une feuille à côté de moi, elle dit : « Papa, j’ai fait un dessin pour toi » et elle s’en va. Je recommence à pleurer, mais cette fois parce que je suis ému : « Est-ce cela ton visage Ô Christ ? Est-ce que la réponse est cet amour aussi simple dont ma fille est un exemple et qui vaut plus que tout autre chose ? »

Je comprends maintenant pourquoi Carrón parlait de la "bulle". Et pourquoi cette circonstance peut réveiller mon humanité. La vie est vraiment profonde et mystérieuse. Je ne veux pas vivre à la surface sans chercher la réponse à ce que mon cœur désire vraiment. Qui es-tu Jésus ?

Alberto, Paris