Les enfants de l'association roumaine FDP

Le Pape et les orphelins de Bucarest

Il y a vingt ans, il y a eu cette rencontre entre l’association roumaine FDP et les enfants d’un orphelinat de la périphérie de la capitale roumaine. Une amitié qui continue et qui les a conduits jusqu’au Vatican.
Alessanda Stoppa

Une centaine d’enfants, abandonnés et malades, « contraints à dormir dans de petits lits, parce que, de toute façon, cela ne valait pas la peine de s’occuper d’eux, lavés au jet d’eau par les infirmiers avec des pompes à distance, exclus de l’école… ». C’est dans cet état qu’ils ont été trouvés en août 1998, dans un orphelinat de la périphérie de Bucarest, comme nous le raconte Simona Carobene, directrice de FDP-protagonistes de l’éducation. Il s’agit d’une association roumaine née deux années auparavant, grâce à l’amitié avec quelques volontaires de AVSI ; elle a grandi selon le charisme de don Giussani et s’est dédiée aux personnes à risque d’exclusion sociale.

De cette rencontre, qui a eu lieu il y a vingt ans, est né bien plus qu’un projet. « C’est une vie qui est née et qui nous réunit encore aujourd’hui ». Désormais, ces petits orphelins sont pères et mères, ils travaillent, ils ont une maison. Et le 4 janvier dernier, ils ont fêté cette amitié en rencontrant le pape François lors d’une audience privée, comme vous pourrez le lire dans les notes publiées dans ces pages extraites du dialogue qu’ils ont eu avec lui.

« Durant ces vingt années », continue Simona, « ils nous ont enseigné beaucoup. Ils nous ont toujours surpris et ils continuent à le faire ». Surtout par le fait qu’ils sont encore pleins de vie et désireux de vivre. « En plus d’être marqués psychologiquement et mentalement à cause de l’abandon, ils sont physiquement petits et graciles. Lorsque l’on n’est pas aimé, quand on est abandonné, on ne peut grandir dans aucune dimension, ni psychique, ni intellectuelle, ni physique. Ils ont vu mourir d’autres enfants et ils ont toujours pensé mourir ainsi : jeunes, seuls ».

Cependant, entre 2000 et 2002, la FDP a pu ouvrir trois maisons pour accueillir vingt et un d’entre eux. Sept autres enfants ont été accueillis dans des familles. Ainsi, vingt-huit enfants parmi plus d’une centaine ont quitté l’orphelinat. Aujourd’hui, ils sont à leur tour parents. Il y a déjà sept nouveau-nés. « Cela semblerait la chose la plus normale du monde, et pourtant, c’est extraordinaire, absolument pas évident ». Cela se marque déjà dans le fait d’avoir porté la grossesse à son terme, dans des circonstances qui continuent à ne pas être faciles. « C’est tellement évident que la vie est un don dans leurs propres enfants. Ils auraient très bien pu ne pas exister ».

TENTATIVES IRONIQUES
Dans la lettre envoyée au Pape pour demander une audience, les amis de l’association ont écrit ceci : « Ces petits enfants nous obligent à changer chaque jour. Comment accompagner les nouvelles familles ? Que dire face à un parent qui meurt ? Une petite fille de quatre ans, l’an passé, a vu mourir son père… Comment pouvons-nous continuer à nous faire compagnie ? Qu’est-ce qui nous attend dans les prochaines années ? », et tant d’autres questions nées de cette amitié, qui est devenue dans le temps une compagnie sur tous les aspects de la vie : depuis le désir de travail, d’un vrai travail » (ils ont commencé une entreprise sociale qui produit des mosaïques), jusqu’aux problèmes quotidiens de la maison. C’était difficile pour eux de trouver ne fût-ce que des chambres à louer, sur un marché où les plus fragiles sont exploités. Pour cette raison, l’association a lancé quatre appartements sociaux. « Ce sont, à chaque fois, des tentatives ironiques », conclut Simona, « car la blessure en chacun d’eux ne pourra jamais vraiment être guérie. Mais dans cette ironie, il y a déjà tout, car ils ont été aimés, chacun personnellement. Aimés et regardés avec estime, ils sont devenus protagonistes de leur propre vie et ils ont généré de nouvelles vies. Dieu a fait fleurir quelque chose de beaucoup plus grand que ce que nous aurions pu imaginer en ce mois d’août, il y a vingt ans… ».


LE DIALOGUE AVEC LE PAPE FRANÇOIS - « Pourquoi un tel sort ? »