« Aidez-nous à rester ici »

En plein exode, le cri de l’Église du Moyen-Orient. C’est Georges Abou Khazen, l’évêque d’Alep, qui parle : « Ceux qui s’en vont sont surtout les plus jeunes. Et que font les Nations Unies ? Qu’elles lèvent l’embargo ».
Andrea Avveduto

« Mettre tout en œuvre pour qu’ils restent, mettre tout en œuvre pour obtenir la paix ». Ce sont les deux priorités de monseigneur Georges Abou Khazen, l’évêque catholique d’Alep. Franciscain, d’origine libanaise, il guide depuis deux ans la petite communauté catholique du diocèse le plus tourmenté du monde. Il vit, dirions-nous de l’autre côté de la barricade, et prend soin de ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas abandonner la Syrie. Mais le père Abou Khazen n’est pas optimiste, il craint que tôt ou tard la Syrie ne se vide complètement.

Le père Georges esquisse la situation.

« Alep n’a ni électricité ni eau. Comment voulez-vous qu’on puisse vivre dans une ville si démunie ?
Avec la Daesh seulement à quelques kilomètres d’Alep, nous vivons dans la terreur. Les différents groupes de rebelles sont en train de s’organiser pour créer un front commun qui devrait occuper la ville. L’électricité n’est branchée qu’une heure ou deux par jour. Il y a quelques générateurs électriques, mais les gens doivent payer pour en profiter et c’est une dépense en plus. Quant à l’eau, nous en avons en abondance grâce au barrage sur l’Euphrate, mais ce sont les djihadistes qui contrôlent l’approvisionnement et souvent, ils ferment les conduites pour des motifs politiques ou pour faire du chantage. Nous avons donc dû nous organiser. Près de l’église nous avons installé une pompe qui nous permet de porter de l’eau aux vieillards, aux enfants, à tous ceux qui ne peuvent s’en procurer ».

Voyez-vous une solution ?

« Je répète toujours : ce sont les robinets des armes qu'il faut fermer ! Je suis contre toute intervention militaire qui ne fait qu’augmenter la haine, les affrontements, la soif de vengeance, le nombre de morts. Mais c’est le trafic d’armes qu’il faut absolument arrêter. L’Occident ne se doute de rien ou – et c’est bien pire – fait semblant de ne rien savoir. Et ce n’est pas tout. Si on ne vend plus d’armes à la Daesh, si on n’achète plus son pétrole ni les œuvres d’art qu’elle a volées, cette guerre prendra fin. Cherchons d’où vient l’argent et arrêtons ce massacre, parce qu’on est en train de détruire un énorme patrimoine, on est en train de détruire l’Histoire ».

Que fait l’Église pour ceux qui restent dans le pays ?

« Nous aidons les jeunes à étudier, nous payons leurs dépenses à l’université et leur procurons également quelques bourses d’étude. En collaboration avec les autres Églises chrétiennes, de qui nous nous sommes rapprochés de manière surprenante, nous cherchons à subvenir aux besoins quotidiens de tous. Il y a des cas urgents. Les plus graves sont ceux liés à la maladie. Lorsqu’une personne doit subir une opération, c’est nous qui la prenons en charge, car l’intéressée n’a pas de ressources. Les hôpitaux publics ne fonctionnent plus, et qui aujourd’hui a les moyens pour se faire soigner dans une clinique privée ? »

La levée de l’embargo serait-il utile ?

« Voici quatre ans que nous la demandons. Récemment encore, lorsque j’ai rencontré le sous-secrétaire des Nations Unies, Stephen O’Brien, je lui ai dit sans ambages : mais comment est-ce possible ? Les Nations Unies ont déclaré vouloir aider la population syrienne, et malgré tout, vous maintenez les sanctions ? Elles ne nuisent évidemment pas à Assad, mais font grand tort aux pauvres, qui de cette façon, ne peuvent pas être aidés ».

Que pouvons-nous faire ?

« Aidez-nous à rester en Syrie afin que notre pays ne se vide pas des chrétiens. Malheureusement les jeunes, les meilleurs cerveaux s’en vont. Une nation sans jeunes est une nation sans futur. Au moins la moitié des jeunes ont quitté le pays. Ils sont chez vous ».

Justement, en tant qu’évêque vous êtes préoccupé ?

« Si cela dépendait de moi, personne ne devrait quitter le pays. Nous devons travailler pour que les gens restent, nous devons travailler pour la paix. C’est difficile mais pas impossible. Vous vous rendez compte ce que cela signifierait de ne plus avoir de présence chrétienne au Moyen-Orient ? une perte de sens vu l’importance de la contribution des chrétiens dans le dialogue, la promotion de la paix et du progrès. L’alternative est de revenir en arrière, à l’Afghanistan des talibans, au salaphisme, il est déjà arrivé aux portes de L’Europe ».


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